L’ONU dans son miroir

Ban Ki-moon, huitième secrétaire général de l’organisation mondiale, saura-t-il et pourra-t-il lui faire jouer enfin un rôle à la mesure de ses moyens ?

Publié le 27 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Méticuleuse, précise, éclairée par des éléments contextuels bien choisis, finalement précieuse, une chronologie occupe, avec quelques textes de référence, plus de la moitié de cet ouvrage collectif. Elle est due à la plume d’André Lewin, bien connu des lecteurs de Jeune Afrique. Le lecteur qui se sera laissé aguicher par le sous-titre – « Les coulisses des Nations unies » – aura fait fausse route. Celui qui, alors que le huitième secrétaire général des Nations unies s’apprête à entrer en fonctions, souhaite s’informer sur l’histoire, les résultats et les perspectives de cette tentaculaire organisation internationale aura effectué un meilleur choix.
Organisé autour d’interviews des quatre derniers secrétaires généraux de l’ONU réalisées pour une émission de télévision, ce livre est complété par des articles ou interviews de politologues, de journalistes et, surtout, d’actuels ou anciens hauts fonctionnaires internationaux. Il s’ensuit une diversité de regards, mais tempérée par une proximité des points de vue, pour la plupart intérieurs à la « maison de verre », et par une propension partagée à l’usage de la langue de bois.
Les deux articles introductifs, les seuls d’une certaine étendue, ont curieusement le même sujet : l’histoire de l’institution plus ou moins découpée en sept tranches correspondant aux mandats des secrétaires généraux successifs. Ce fractionnement n’est pas arbitraire, car ces hommes-là, pour différents qu’ils fussent, avaient du caractère ; ils ont su s’octroyer et exercer des pouvoirs qui étaient loin de leur être accordés explicitement par la charte fondatrice, et que ceux qui les ont élus n’avaient nulle conscience de leur avoir dévolus.
On ne s’étonnera pas des répétitions. Heureusement, les regards des deux auteurs sont assez différents pour être complémentaires. C’est ainsi que le premier, Stephen Schlesinger, directeur du World Policy Institute de New York, ne cache pas le peu de cas qu’il fait de Boutros Boutros-Ghali, « acerbe, instable, arrogant », ni le second, André Lewin, son admiration pour Kurt Waldheim, dont il fut le porte-parole.
Cette cavalcade à travers soixante années de l’histoire du monde est ponctuée par les conflits du Proche-Orient et du Moyen-Orient. Elle nous remémore des événements graves et forts comme les guerres de Corée, d’Indochine, du Vietnam et des Malouines, la crise du Congo et celle des missiles de Cuba, l’éclatement de la Yougoslavie, les étapes de la décolonisation
En reprenant son souffle, on distingue deux grandes périodes bornées par la chute du mur de Berlin. La première s’ouvre, en 1946, sur une vision un peu idyllique d’un monde où les peuples, traumatisés par la tragédie sans précédent qu’ils ont vécue, vont se réconcilier en restaurant la paix et – pourquoi pas ? – en s’installant dans le bonheur. Mais déjà, le rideau de fer a coupé l’Europe, voire le monde, en deux. On est entré dans la guerre froide. Quarante-trois ans plus tard, la chute du mur paraît ouvrir une nouvelle ère. Prenant ses fonctions en 1992, Boutros-Ghali en est persuadé ; il croit que l’ONU est appelée à jouer un rôle historique en réduisant la fracture sociale planétaire et en démocratisant la mondialisation. Il imagine que le secrétaire général va être appelé à jouer un rôle nouveau, avec l’appui des États membres. Il déchantera bientôt et fera ce constat désabusé : « La fin de la guerre froide a suscité l’émergence d’une superpuissance unique qui entendait bien gérer les Nations unies à sa guise. »
Un seul des coauteurs de cet ouvrage a joué un rôle constant, tantôt de l’intérieur, tantôt de l’extérieur, depuis l’origine, dans le système des Nations unies : Stéphane Hessel, qui fut notamment directeur adjoint du Programme des Nations unies pour le développement. Il a réfléchi au rôle de l’ONU à travers le XXIe siècle :
« Une organisation à vocation universelle favorisant la coopération entre les États membres. [] Nous sommes interdépendants, nous ne pouvons plus agir indépendamment les uns des autres. Et cette interdépendance doit s’accompagner d’une solidarité internationale qui mette à disposition de nos sociétés les moyens de réaliser leur développement et de faire face aux grands défis qui sont les leurs. »

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