Le prix de la paix

Les « forces impartiales » représentent le troisième plus important dispositif onusien sur le continent. Et affichent un coût financier non négligeable.

Publié le 27 novembre 2006 Lecture : 4 minutes.

Si la résolution 1721 du Conseil de sécurité des Nations unies du 1er novembre recompose les rapports de force au sommet de l’exécutif ivoirien, elle maintient dans le même temps l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) créée à la demande du chef de l’État ivoirien, Laurent Gbagbo, et soutenue par la France à travers le dispositif Licorne.
Au 31 août 2006, l’Onuci comprenait 7 500 soldats issus de 55 pays sous le commandement du général béninois Fernand Marcel Amoussou, nommé en septembre dernier. Quelque 400 officiers de police de vingt nationalités différentes et un millier de civils, en particulier des observateurs dont une majorité d’Ivoiriens, complètent le dispositif. Au total, près de 9 000 hommes se répartissent sur tout le pays, avec Bouaké et Daloa comme états-majors opérationnels.
Basé à Abidjan, l’état-major central est, quant à lui, sous la responsabilité du Suédois Pierre Schori, représentant spécial de Kofi Annan, aidé par deux adjoints : les généraux Abou Moussa (Tchad) et Abdoulaye Mar Dieye (Sénégal). À l’instar d’autres missions en Afrique, le mandat de l’Onuci veille sur la mise en uvre du processus de paix par le respect de l’application du cessez-le-feu du 3 mai 2003 et l’appui au gouvernement de transition pour le programme DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion). D’autres actions peuvent relever, le cas échéant, de domaines plus spécifiques, comme la réhabilitation d’infrastructures ou l’aide humanitaire.
Imposante par le nombre de ses hommes, l’Onuci pèse aussi par son coût financier : 438,37 millions de dollars pour 2006, contre 745 millions pour la Minul et 1,1 milliard pour la Monuc. Avec 36,5 millions de dollars par mois, le budget de l’Onuci absorbe 12 % de l’enveloppe générale que les Nations unies consacrent à leurs interventions extérieures. En cumulé, de mars 2003 à juin 2007, ce sont quelque 1,23 milliard de dollars qui ont été décaissés pour cette seule opération.
En réalité, ce coût est bien plus élevé. Il est de l’ordre de 688 millions de dollars par an puisque la résolution 1528 a doté l’Onuci d’une « Force d’action rapide » : le dispositif Licorne mis en uvre par la France dès le mois d’octobre 2002. Grâce à cette force principalement déployée dans la zone tampon qui scinde la Côte d’Ivoire en deux depuis quatre ans, la présence militaire française en Afrique a encore sa vitrine. À l’heure de la fermeture progressive de ses bases sur le continent, à l’instar de celle de Bangui, cette opération fait, en effet, une entorse à la règle observée depuis une quinzaine d’années d’une « multilatéralisation » des interventions de l’Hexagone dans ce domaine. Elle est, à ce titre, l’exception qui confirme la règle.
Dirigée depuis le 1er juin 2006 par le général Antoine Lecerf, successeur d’Elrick Irastorza à ce poste, Licorne comptait 3 500 hommes au 1er novembre 2006, parmi lesquels les effectifs du 43e Bataillon d’infanterie de marine (Bima), basé à Abidjan. Si les effectifs ont évolué, la mission, elle, n’a pas changé. Tout en s’alignant sur sa sur onusienne, son rôle est de pacifier la Côte d’Ivoire, notamment par la dissuasion, et de faire respecter le cessez-le-feu, mais aussi d’assurer un soutien armé si les Nations unies étaient visées par des violences. La protection et l’évacuation des ressortissants français en cas de troubles relèvent aussi de leurs obligations.
Par ailleurs, deux escadrons de gendarmerie mobile formant un sous-groupement opérationnel assurent la protection de certaines enceintes (ambassade, consulat). Dotée d’équipements adaptés au contexte ivoirien, à la fois dans les airs et sur terre, Licorne peut dégager des moyens supplémentaires à partir du Togo, où plusieurs Transal C-160 et des Mirage sont prépositionnés. Un navire mouillant dans le golfe de Guinée est également prêt à être mis à contribution.
Comme celui des Nations unies, ce dispositif est dispendieux : 200 millions d’euros par an (250 millions de dollars). Au total, de 2002 à 2005, Paris aura injecté 755 millions d’euros en Côte d’Ivoire. Un chiffre qui dépassera le cap symbolique du milliard en 2007. La France assiste également directement l’Onuci via la mission Caloa en mettant à disposition 188 militaires, 10 policiers et 2 observateurs, soit 200 hommes sur les 239 actuellement mobilisés dans des opérations en Afrique.
Même si le chef d’état-major français de l’armée de terre, le général Bruno Cuche, a rassuré, en septembre dernier, sur sa pérennité, cette opération ne doit pas faire illusion. Une fois la paix revenue dans le pays, la tendance observée depuis quinze ans reprendra son cours. À supposer que le processus électoral soit – cette fois-ci – respecté, Licorne s’autodissoudra après la présidentielle, qui doit intervenir au plus tard le 31 octobre 2007. En outre, la France a souhaité profiter de cette disparition programmée pour se désengager de Côte d’Ivoire en en transférant les effectifs du 43e Bima à Dakar.
Comme ses partenaires européens, l’ancienne puissance coloniale souhaite une plus grande implication de la communauté africaine dans la prévention et le règlement des conflits sur le continent. Elle mise notamment sur la création par l’Union africaine, à partir de 2010, de brigades d’intervention sur le modèle des Casques bleus. À cette date, la Côte d’Ivoire sera-t-elle encore une priorité pour Paris ?

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