Cameroun : Paul Biya prête serment au lendemain d’un enlèvement collectif dans la région anglophone
Le président camerounais Paul Biya, 85 ans, dont 36 au pouvoir, prête serment le 6 novembre pour un septième mandat dans un climat de tension, au lendemain de l’enlèvement de 79 élèves en zone anglophone frappée par un conflit armé.
Le président élu du Cameroun, Paul Biya, prêtera serment mardi à 11 heures, a annoncé la présidence dans un communiqué. Le maire de Yaoundé a demandé aux habitants et aux groupes de danse de sortir en masse pour ovationner le chef de l’Etat le long de l’itinéraire qu’il empruntera pour se rendre à l’Assemblée nationale où la cérémonie est prévue.
En crise depuis 2016
À la veille de cette prestation, 82 personnes, dont 79 élèves, ont été enlevées par des hommes armés non identifiés à Bamenda, chef-lieu de la région anglophone du Nord-ouest, qui ont fait irruption à la Presbyterian Secondary School, un établissement protestant. « Les recherches pour retrouver les otages ont été lancées, la mobilisation est totale », selon une source gouvernementale.
Dans une vidéo de six minutes obtenue par l’AFP, onze adolescents d’une quinzaine d’années ont décliné un à un, en anglais, leur identité, et indiquent avoir été enlevés par les « Amba boys », les séparatistes anglophones. « Nous allons ouvrir nos propres écoles ici, nous allons rester ensemble et combattre pour ‘l’Ambazonie’ », l’Etat que les séparatistes entendent créer, indique un homme au micro du téléphone filmant la scène.
Dans la même région du Nord-Ouest, le sous-préfet de l’arrondissement de Noni a également été enlevé dimanche. Dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, une crise socio-politique sans précédent s’est installée fin 2016, qui s’est transformée fin 2017 en conflit armé. Des affrontements entre armée régulière et séparatistes, regroupés en groupes épars dans la forêt équatoriale, s’y produisent quasiment tous les jours depuis plusieurs mois. Les séparatistes ont décrété un boycott des établissements scolaires, estimant que le système scolaire francophone marginalise les étudiants anglophones.
Depuis l’annonce de la réélection du président Paul Biya, au terme de la présidentielle du 7 octobre, la situation dans ces régions s’est encore détériorée, tout comme le climat politique, des dizaines d’opposants ayant été arrêtés. Le 30 octobre, un missionnaire américain a été tué par balle dans son véhicule à Bambui, en banlieue de Bamenda. Les raisons de son assassinat restent inconnues, mais l’Etat a accusé les « terroristes » d’être à l’origine de sa mort alors que Washington a évoqué des « tirs croisés ».
Arrestations préventives
En prévision d’éventuels troubles qui pourraient survenir lors de la prestation de serment de Biya, réélu pour un septième mandat avec 71,28% des votes, policiers et gendarmes ont été déployés depuis plusieurs jours dans plusieurs zones de Yaoundé et d’autres villes. L’opposant Maurice Kamto qui revendique la victoire au scrutin a appelé ses partisans à résister par des actions pacifiques.
Plusieurs manifestations sont prévues mardi au Cameroun et à l’étranger. Mais, sur place, Yaoundé a décidé de réprimer toute velléité de contestation. Dimanche, 38 militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le parti de Kamto, ont été arrêtés à Bafoussam alors qu’ils participaient à une marche pacifique contre le « hold-up électoral » en faveur du président Biya. Plus de 60 autres, dont des avocats, avaient déjà été arrêtés avant d’être relâchés à Douala et Yaoundé, mais plusieurs ont été inculpés.
Classé deuxième avec 14,23% des voix, Kamto a demandé à la communauté internationale le recomptage des votes. L’opposant affirme que l’élection a été marquée par des « fraudes massives et barbares » en dépit desquelles « le Conseil constitutionnel a décidé de proclamer Paul Biya vainqueur sur la base des documents fabriqués pour la circonstance par des officines du pouvoir… »
« Tu t’es battu, tu as perdu et ça suffit », a rétorqué sur Facebook, Grégoire Owona, ministre et secrétaire général adjoint du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir).
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