Europe : complicité d’enlèvement et de torture
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La décision de Romano Prodi, le président du Conseil italien, de limoger le directeur et deux autres responsables des services secrets rappelle que de grands pays européens ont été complices de la pratique honteuse et destructrice de la rendition, du « transfert exceptionnel » – un programme géré par la CIA américaine qui consiste à enlever et à déporter sans aucune protection légale des personnes suspectées d’« activités terroristes ».
Nicolo Pollari, directeur de l’agence italienne d’espionnage, la Sismi, est soupçonné d’être impliqué dans l’enlèvement par la CIA, à Milan, en février 2003, d’Oussama Hassan Mustafa Nasr. L’imam radical égyptien a été ensuite transféré par avion au Caire où, selon ses déclarations, il a été torturé – ce qui est plausible, compte tenu du passif égyptien en matière de droits de l’homme.
Bien qu’il y ait peut-être d’autres mobiles au geste de Rome – les allégations selon lesquelles un proche de Pollari aurait tenté de traîner dans la boue Prodi, les craintes pour la sécurité des troupes italiennes en Irak, en Afghanistan et au Liban, ou encore la volonté d’embarrasser Silvio Berlusconi, l’ancien président du Conseil, sont autant d’explications possibles -, cela ressemble fort à une tentative de demander des comptes aux personnes impliquées dans ces « transferts exceptionnels ».
Cette expression, qui se range du côté des euphémismes tels que le « feu amical » ou les « dommages collatéraux », est lourdement trompeuse. Derrière ces arguties juridiques se cache une pratique décrite en détail, en juin dernier, par un rapport du Conseil de l’Europe qui fait froid dans le dos et qui met en cause plus d’une douzaine de pays européens.
Ces pays, dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, la Pologne, la Suède et la Turquie, sont accusés de complicité d’enlèvement et de délocalisation de la torture auprès de tyrans alliés opérant au sein d’un réseau secret pour « prisonniers fantômes » privés de toute protection légale.
Les informations scandaleuses apportées par le rapport du Conseil de l’Europe et les comptes rendus publiés par la presse ont provoqué un tollé, derrière lequel se cachent la panique suscitée par les révélations des services secrets et une détermination de tuer le messager plutôt que d’écouter le message.
Le message ne pouvait être plus clair. Il s’agit d’une capitulation des sociétés libérales devant leurs ennemis, une abdication du droit devant le totalitarisme djihadiste – quels que soient les faux-semblants sémantiques auxquels on a recours. Comme l’a toujours affirmé le Financial Times, nous ne devrions pas avoir besoin de présenter des arguments contre la torture. Elle est moralement condamnable. Elle ronge la société qui la tolère. Elle arrache des informations en grande partie sans valeur. Point final.
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