Tunisie : après l’attentat-suicide de Tunis, le président prolonge l’état d’urgence

La présidence tunisienne a annoncé le 6 novembre la prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 6 décembre, en vigueur dans le pays depuis désormais trois ans, à la suite d’une série d’attaques jihadistes débutée en 2015.

Une voiture de la police tunisienne à Sousse. © Darko Vojinovic/AP/SIPA

Une voiture de la police tunisienne à Sousse. © Darko Vojinovic/AP/SIPA

Publié le 6 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

L’état d’urgence en Tunisie a été prolongé jusqu’au 6 décembre, a annoncé la présidence tunisienne le 6 novembre. Sans donner plus d’explications sur les raisons de ce prolongement, la présidence a indiqué que le chef de l’État Béji Caïd Essebsi avait pris cette décision après avoir consulté le président du Parlement, mais aussi le chef du gouvernement Youssef Chahed, avec qui les relations sont tendues.

Un manque de visibilité que dénonçait déjà en mars dernier le député Riadh Jaïdane, président du mouvement L’appel des Tunisiens à l’étranger : « Il y a un réel besoin de transparence, les parlementaires sont exclus de ce débat sécuritaire. Nous ne disposons d’aucune information précise sur les raisons qui motivent ces décisions de prolongation et nous sommes donc dans l’incapacité d’évaluer les résultats de cet état d’exception en vigueur depuis plus de deux ans », indiquait-il ainsi à Jeune Afrique.

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Cette nouvelle prolongation intervient une semaine après un attentat-suicide sur la principale avenue de la capitale, qui a fait 20 blessés légers. Le 29 octobre, une femme a déclenché une charge explosive artisanale qu’elle transportait sur l’avenue Bourguiba, en visant une patrouille de policiers, le premier attentat dans la capitale depuis trois ans.

Trois ans d’état d’urgence

L’état d’urgence avait été proclamé dans tout le pays le 24 novembre 2015 après un attentat revendiqué par le groupe extrémiste État islamique (EI), contre un bus de la sécurité présidentielle en plein Tunis, qui avait fait 12 morts.

L’année 2015 avait été aussi marquée par deux autres attentats sanglants de l’EI contre des touristes au musée du Bardo à Tunis et dans une zone touristique de Sousse (est), qui avaient fait au total 60 morts (59 touristes et un policier).

La dernière attaque de grande ampleur en Tunisie remonte à mars 2016, lorsque des dizaines de jihadistes avaient attaqué des installations sécuritaires à Ben Guerdane (sud), à la frontière avec la Libye.

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La Tunisie, qui a fait face après la révolution de 2011, à l’émergence de groupes jihadistes, continue à perdre chaque année des militaires et policiers tués notamment dans les zones montagneuses frontalières de l’Algérie.

Cadre légal mis en cause

Cette nouvelle prolongation de l’état d’urgence se fonde sur le décret du 26 janvier 1978, date de la première proclamation en Tunisie, pris par le président de l’époque, Habib Bourguiba. Une décision prise dans la foulée des affrontements entre autorités et protestataires, lors de la grève générale de 1978 lancée par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

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Selon le décret, ce régime d’exception peut être déclaré en cas de « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou encore d’ « événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique ».

D’abord utilisé pour répondre à des soulèvements populaires, son application a été justifiée ces dernières années par « les dangers qui menacent le pays ».

L’état d’urgence octroie des pouvoirs d’exception aux forces de l’ordre. Il permet notamment l’interdiction des grèves et des réunions « de nature à provoquer (…) le désordre » ou encore l’adoption de mesures « pour assurer le contrôle de la presse ».

Pour remédier à ce vide juridique, Riadh Jaïdane est à la tête d’une initiative législative visant à réglementer l’état d’urgence, présentée depuis octobre 2016 à la commission parlementaire des droits et des libertés et des relations extérieures.

Cette proposition de loi instaure, entre autres, un contrôle parlementaire qui permettra de valider la décision de l’exécutif de décréter l’état d’urgence, mais aussi de surveiller par l’intermédiaire d’une cellule de vieille le risque de dérives autoritaires. Pour l’instant, celle-ci est toujours au point mort et n’a pas encore été étudiée.

Contexte de crise

Outre l’aspect sécuritaire, l’instabilité politique qui augmente à l’approche des scrutins présidentiel et législatif prévus en 2019 inquiète nombre d’observateurs. La Tunisie reste fragilisée, en dépit d’une reprise de la croissance, par un chômage et une inflation qui exacerbent des tensions sociales fortes, près de huit ans après la révolution.

La présidence a fait savoir le 5 novembre qu’elle n’approuvait pas le remaniement annoncé par le chef du gouvernement, qui touche 13 ministères mais n’entraîne pas de changement majeur dans les principaux postes gouvernementaux. Ce remaniement n’a pas besoin d’être entériné par le président.

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