Crève toujours

Le Sud avait été autorisé par le Nord à fabriquer des médicaments bon marché avant l’expiration des brevets. Cinq ans après, il n’en est rien.

Publié le 27 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

L’équation est connue : les médicaments du Nord sont trop chers pour les malades du Sud. L’accord ministériel signé à Doha le 14 novembre 2001 devait la résoudre. En admettant que les règles de la propriété intellectuelle ne doivent pas entraver les efforts des pays pauvres pour protéger la santé publique, les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’étaient engagés à autoriser le Sud à produire des « médicaments génériques » – des copies bon marché des médicaments fabriqués par les grands laboratoires – avant l’expiration des brevets.
Cinq ans après jour pour jour, Oxfam International publie « Des brevets contre des patients », un rapport au verdict sans appel. « Les pays riches ont bafoué l’esprit de la déclaration de Doha », affirme le document. Sur le banc des accusés : l’industrie pharmaceutique américaine et les États-Unis. Selon l’ONG, Washington a, depuis Doha, instauré des règles de propriété intellectuelle encore plus strictes et contraint les pays en développement, à travers les accords de libre-échange signés avec eux, à les accepter. Exemple : la Colombie, qui a conclu un tel accord avec les États-Unis en février dernier, verra, d’ici à 2020, ses dépenses de santé augmenter de 940 millions de dollars par an. Aux Philippines, la firme américaine Pfizer a intenté un procès au gouvernement parce que ce dernier avait importé des versions génériques du Norvasc – un médicament Pfizer qui soigne l’hypertension – pour les copier, anticipant l’expiration du brevet en 2007.
L’enjeu de la fabrication des génériques par les pays en développement est de taille : en 2001, une copie d’antirétroviraux produite en Inde coûtait 360 dollars par an au patient, contre 10 000 dollars pour un traitement « original ». D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les médicaments représentent 10 % à 20 % des dépenses de santé des pays développés, contre 20 % à 60 % dans les pays en voie de développement.
Oxfam fustige aussi les pays européens, aussi prompts à verser des larmes de crocodile qu’à céder au lobbying de l’industrie pharmaceutique. D’après l’ONG, la ligne de défense du secteur n’est pas recevable. Les laboratoires arguent que les brevets stimulent la recherche, mais seuls 15 % des nouveaux médicaments homologués aux États-Unis entre 1989 et 2000 sont de réelles innovations. Et, quand innovation il y a, celle-ci bénéfice rarement aux pathologies des pays en développement : sur les 1 556 nouvelles molécules commercialisées dans le monde entre 1975 et 2004, seules 21 combattent des maladies du Sud.
Le succès des médicaments contrefaits, qui, en Afrique, occupent 10 % à 30 % du marché selon les pays, est une conséquence de la cherté des produits protégés. Le 15 novembre, l’OMS lançait l’Impact, un groupe de travail sur la lutte contre les contrefaçons. Le meilleur moyen de les contrecarrer est peut-être de faire tomber les brevets.

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