Algérie : ce qu’il faut savoir sur l’affaire des quatre journalistes emprisonnés pour « diffamation »
Le procès des quatre journalistes algériens inculpés pour « diffamation », « insultes » et « atteinte à la vie privée » s’ouvre jeudi 8 novembre à Alger. En détention depuis le 22 octobre, ils encourent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Le point sur une affaire qui inquiète au-delà des frontières algériennes.
Les journalistes, Abderrahman Semmar – dit Abdou -, rédacteur en chef du site Algérie Part, et son collaborateur Merouane Boudiab, comparaîtront jeudi 8 novembre devant le tribunal correctionnel d’Alger. Placés sous mandat de dépôt le 23 octobre après 48 heures de garde-à-vue chez les gendarmes, les deux journalistes sont poursuivis pour « diffamation » et « atteinte à la vie privée ».
Deux autres journalistes, Ilyes Hadibi et Adlène Mellah, qui gèrent des sites internet, sont également en détention préventive. Ils sont poursuivis respectivement pour « diffusion d’informations personnelles sur les réseaux sociaux », « outrage aux institutions » et « atteinte à la vie privée ».
Des médias algériens évoquent d’autres chefs d’inculpations, notamment « chantage » et « extorsion de fonds », qui ne relèvent pas des délits de presse. Les éléments de l’instruction, auxquels Jeune Afrique a eu accès, ne mentionnent pas ces délits de chantage ou d’extorsion de fonds.
La chaîne privée Ennahar TV a diffusé un reportage sur l’arrestation de ces journalistes, qui ont été filmés menottés, la caméra les suivant même jusqu’au fourgon de police. Des images qui ont créé un vif émoi. L’annonce de leur placement sous mandat de dépôt après leur inculpation a provoqué colère et consternation en Algérie, où le délit de presse est dépénalisé depuis 2012.
Des organisations internationales telles que Reporters sans frontières (RSF) et la fédération internationale des journalistes (FIJ) ont interpellé les autorités algériennes pour exiger la libération immédiate des journalistes incarcérés.
RSF dénonce une vague d’arrestation de journalistes en #Algérie.
— RSF (@RSF_inter) October 25, 2018
Est ce comme cela que les autorités célèbrent la journée nationale de la presse ? En arrêtant les journalistes ? https://t.co/ANkGmu0ykc pic.twitter.com/prcUDhA3Kr
Qui a porté plainte contre Abdou Semmar ?
Mardi 23 octobre, 14 h. Le journaliste Abdou Semmar reçoit une communication téléphonique de la gendarmerie d’Alger qui le convoque au motif que Mohammed Mokadem, alias Anis Rahmani, PDG du groupe privé Ennahar, a déposé plainte contre lui pour diffamation et atteinte à la vie privée. Selon l’avocat du journaliste, la plainte n’a été enregistrée au niveau de la gendarmerie qu’à 17 h, non par le plaignant lui-même, mais par un représentant du groupe Ennahar.
Selon lui, la garde-à-vue du journaliste qui s’est déroulée dans de bonnes conditions, a commencé avant même que la plainte ne soit notifiée par écrit. « C’est du jamais vu ! », tempête l’avocat. « C’est du jamais vu aussi qu’un journaliste porte plainte contre un de ses collègues. »
Moins de vingt-quatre heures après le début des auditions du journaliste – qui a reçu la visite de son épouse -, un représentant de la wilaya (préfecture) d’Alger se rend à la gendarmerie pour déposer plainte au nom du préfet Abdelkader Zoukh. Là encore, pour « diffamation » et « atteinte à la vie privée ».
Au terme de deux jours de garde à vue, le procureur de la République a décidé de placer Abdou Semmar sous mandat de dépôt après l’avoir mis en examen pour quatre chefs d’inculpation : « diffamation », « insultes », « atteinte à la vie privée » et « menaces ».
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