CFIAM : pour la réinsertion des femmes au Burkina
Au Burkina Faso, un centre de formation aux métiers non traditionnels a été créé il y a plus de 20 ans pour aider les jeunes filles à s’insérer dans la société et le monde du travail. Les élèves y apprennent la mécanique et peuvent rêver à meilleur avenir tout en secouant les mentalités du pays.
La précarité des jeunes filles est telle au Burkina Faso – plus de 53% des jeunes sont au chômage – que des formations aux métiers non traditionnels et non genrés ont vu le jour pour faciliter leur réinsertion socio-économique. C’est le cas du CFIAM, le centre féminin d’initiation et d’apprentissage aux métiers. Un projet né en 1994 sous la houlette de l’éducateur, Mr Zongo – à l’initiative de l’association ATTous-Yennenga – soutenu par l’ONG Terre des Hommes Suisse* et Terre des Hommes Allemagne. Une organisation qui s’engage depuis plus de 60 ans pour l’enfance et le développement solidaire. Le 7 mars prochain, la veille de la journée internationale de la femme, sortira Ouaga Girls, un documentaire qui revient sur le quotidien d’une classe de mécaniciennes en formation au centre. A cette occasion, la rédaction s’est entretenue avec le fondateur et l’initiateur du projet CFIAM.
Quelle est la genèse du CFIAM ? De quel constat êtes-vous parti avant d’ouvrir le centre ?
Mr Zongo : Quand nous avons inauguré le centre, nous nous sommes spécialisés dans la formation professionnelle des jeunes garçons. C’est en 1996 qu’on s’est demandé ce que l’on pouvait apporter aux jeunes filles. Nous avons mené plusieurs enquêtes au niveau de Ouagadougou et Koutougou, à la suite desquelles nous avons constaté qu’on pouvait amener les femmes à se former aux métiers autrefois réservés aux hommes. Nous avons été en mesure d’identifier les domaines dans lesquels on pouvait les former. C’est ainsi que nous avons établi avec nos associations partenaires, un programme de formation en mécanique pour les cycles deux roues, en électricité automobile, en électronique, en carrosserie et en tôlerie-peinture.
On a voulu élargir la gamme de choix professionnels pour les jeunes filles, alors insuffisant. Les filles ne sont formées qu’en couture et en cuisine, des métiers dits de femme. Après avoir trouvé les ressources financières pour mettre en œuvre le programme, nous avons lancé le premier centre féminin de formation aux métiers à Koutougou. L’idée était aussi de travailler sur la confiance en soi des femmes et les aider à la sortir de la précarité.
Quels sont en général les profils des jeunes femmes qui intègrent la formation ?
Mr Zongo : Nous travaillons essentiellement avec des jeunes filles en situation difficile qui ont entre 15 et 19 ans. Elles sont la plupart du temps orphelines, déscolarisées. Le manque de moyens les contrait à ne pas poursuivre le cycle scolaire général. Elles se retrouvent dans les rues. On est là pour les accompagner pour une insertion socio-professionnelle, en leur offrant une formation aux métiers non traditionnels.
Avez-vous des retombées concernant la réinsertion des jeunes filles passées par le CFIAM ?
Mr Zongo : Le taux d’insertion aux métiers non traditionnels est d’environ 62%. Nous offrons un système de suivi. Notre cellule post-formation nous permet d’alimenter des données et de connaître le nombre de filles passées par notre formation et les recruteurs potentiels. Cela nous sert d’interface entre les employeurs et les diplômées. Un facilitateur pour leur réinsertion.
Combien de temps dure la formation, est-elle diplômante et reconnue par l’état ?
Mr Zongo : La formation dure trois ans. Les filles sont diplômées d’un certificat de qualification professionnel, un diplôme interne. Mais elles peuvent passer le CAP, reconnu par l’état, tout en suivant notre formation.26
Le documentaire Ouaga Girls filme les échanges entre les élèves et la psychologue scolaire. En quoi est-ce important que les jeunes filles soient suivies ?
Mr Zongo : C’est essentiel pour deux raisons. Les filles arrivent dans un état de précarité émotionnelle. La deuxième raison, c’est qu’elles sont victimes des stéréotypes accolés aux métiers de la mécanique, lesquels sont perçus comme des métiers d’hommes. Sans appui psychologique, une jeune fille qui reçoit des moqueries à l’extérieur de l’établissement abandonnera la formation.
La psychologue est aussi là pour maintenir les filles dans l’établissement. Il lui arrive même de consulter à domicile.
Depuis l’ouverture du centre, avez-vous constaté une évolution des mœurs face à la pratique des métiers dits « masculins » par des filles ?
Mr Zongo : A l’ouverture du premier centre, nous avons peiné à trouver 10 filles à former. Nous avons dû faire du porte-à-porte. Et on a fini par avoir 8 filles pour notre première promotion. Aujourd’hui nous en recevons 100 par promotion. Un signe qu’elles sont de plus en plus acceptées. Au lancement du programme, nous avons eu davantage de difficultés à convaincre les femmes elles-mêmes. J’ai même été traité de fou. Qu’une fille plonge les mains dans de l’huile sale était inacceptable pour nombre d’entre elles. Maintenant, elles ont compris la nécessité à suivre le métier de leur choix. Aujourd’hui, nous faisons face à un nouveau défi, celui de convaincre les hommes à ne pas demander à leur conjointe d’abonner leur travail.
A propos de Terre des Hommes Suisse
En étroite collaboration avec des organisations locales dans neuf pays, Terre des Hommes Suisse œuvre pour promouvoir et défendre les droits de l’enfant. Elle agit principalement pour protéger les enfants contre les violences, et leur donner accès à une éducation de qualité et à une alimentation saine. Au Burkina Faso, Terre des Hommes Suisse compte plusieurs partenaires, dont ATTous, qui propose des formations professionnelles à des jeunes filles (CFIAM) issues de milieux modestes, et les forme notamment à des métiers traditionnellement considérés comme masculins.
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