La « présidente des femmes » n’est plus
Grande figure du mouvement de libération nationale en Tunisie, Radhia Haddad est décédée le 20 octobre, à son domicile de Carthage, à l’âge de 81 ans. Elle fut membre du Néo-Destour, puis du Parti socialiste destourien (appellations successives de l’ancien parti unique fondé par feu Habib Bourguiba) entre 1952 et 1972, et présidente de l’Union nationale des femmes tunisiennes (UNFT) de 1958 à 1972. Députée de la circonscription de Tunis, sa ville natale, durant les trois premières législatures (1959-1974), elle était l’une des premières femmes parlementaires en Afrique et dans le monde arabe.
Titulaire d’un simple Certificat d’études primaires, cette autodidacte était une femme de caractère. Et de convictions : elle fut de tous les combats politiques et sociaux qui marquèrent les deux premières décennies de l’indépendance (1956-1972), celles qui ont façonné la Tunisie d’aujourd’hui. Dans un pays où, jusqu’à une date récente, les femmes avaient peu de chances d’accéder à une carrière politique, elle a su se forger un destin exceptionnel.
À l’occasion, elle n’hésitait pas à tenir tête à feu le président Habib Bourguiba. Ce dernier, qui se targuait d’être le libérateur des femmes, lui disait souvent : « Je suis le président des hommes et vous la présidente des femmes. »
Dans Parole de femme, son autobiographie parue en 1995 (J.A.I. n° 1790), Radhia Haddad a raconté comment cet homme auquel elle vouait un véritable culte s’est retourné contre elle, l’a maltraitée en public et traînée devant les tribunaux sous des prétextes futiles. Que lui reprochait-il ? Ayant senti, avec d’autres militants, les dangers que l’état de santé de l’ex-président faisait courir au pays, elle avait rallié le groupe des « démocrates » qui, au sein du PSD et du gouvernement, s’était constitué autour de l’ancien ministre de l’Intérieur Ahmed Mestiri, au lendemain de la grande crise sociale de 1969-1970. Mais Bourguiba, qui, selon elle, « n’estimait pas détenir ses pouvoirs et sa légitimité du parti ni même de la volonté populaire » et qui « ne manquait pas une occasion de réaffirmer qu’il avait toujours disposé de son parti comme bon lui semblait », avait préféré l’immobilisme au mouvement, l’autoritarisme à la démocratie. La suite est connue…
Ayant beaucoup souffert de sa disgrâce, Radhia Haddad avait fini par se retirer de la vie politique. Elle a vécu ses trente dernières années dans une retraite paisible, en s’occupant néanmoins de sa petite maison d’édition baptisée Elyssa, du nom de la célèbre reine phénicienne fondatrice de Carthage. Héritier du PSD, le Rassemblement constitutionnel démocratique lui a rendu un vibrant hommage.
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