Un véhicule à prix d’ami

Conçue par Renault et assemblée pour partie au Maroc sur les chaînes de la Somaca, la Dacia Logan est le véhicule des marchés émergents : vaste, simple, fiable et vendue à des tarifs abordables.

Publié le 27 septembre 2004 Lecture : 5 minutes.

La Dacia Logan n’est pas une voiture de plus sur la planète automobile. C’est une révolution. Car elle rompt avec la pensée unique qui sévit dans les bureaux d’études des constructeurs : le « toujours plus », cette fausse vision de la modernité selon laquelle un nouveau véhicule doit toujours être mieux équipé et plus performant que son prédécesseur. Prenant le contre-pied de l’évolution de l’automobile, la Logan a fait voeu de simplicité. Elle revient ainsi à la stricte définition de ce que doit être une voiture : un objet de transport, pratique, fiable et économique, à l’achat comme à l’usage.
Louis Schweitzer, PDG de Renault, a longtemps réfléchi à ce paradoxe. Certes, les constructeurs pleurent les années heureuses de leur folle croissance. Mais ils continuent à diffuser 80 % de leur production dans des pays représentant 20 % de la population du globe. Louis Schweitzer a donc décidé de s’intéresser à un gisement inexploré : le reste du monde, tout simplement. Car la Renault Logan – ou Dacia Logan, c’est pareil – procède de sa volonté. C’est lui qui a imposé à Renault le concept d’une voiture à 5 000 euros destinée en priorité aux pays émergents.
Disons-le d’emblée : ce prix est fictif. Déjà, il ne vaudra que pour la Roumanie, premier pays où la Logan est produite, et pour une version dépouillée à l’extrême (sans direction assistée, ni air-bags, ni ABS). Ensuite, la Logan à 5 000 euros n’existe pas. Le modèle qui vient d’être diffusé en Roumanie coûte 5 700 euros, car son équipement est plus généreux. Officiellement, la sortie de la Logan de base promise pour 5 000 euros est différée jusqu’en mai 2005, pour ne pas torpiller la carrière de la Dacia Solenza (4,08 m) vendue en Roumanie entre 4 300 et 6 500 euros selon les versions. Et dans les autres pays, la Logan vaudra entre 6 500 et 9 000 euros, en fonction des barrières douanières, du moteur choisi, et du degré d’équipement. Des voitures neuves aux alentours de 6 500 euros, il en existe déjà. Mais elles ne mesurent pas 4,28 m de long, ne disposent pas d’un coffre de 510 litres et ne peuvent accueillir cinq adultes, comme la Logan.
La difficulté pour Renault consiste désormais à convaincre le public qu’un modèle à petit prix et équipement réduit à l’essentiel n’est pas une sous-voiture. Mais la Logan a des arguments pour défendre sa cause. Déjà, elle n’est pas une extrapolation d’un modèle en fin de vie comme les constructeurs en envoient souvent sur les marchés en voie de développement. La Logan est une création ex nihilo, conçue au Technocentre Renault, près de Paris, et reposant sur la plate-forme de la future Clio. Ensuite, elle ne fait aucune économie sur ce qui concourt aux qualités foncières d’une voiture. Ses moteurs et trains roulants, puisés dans la gamme Renault, sont par exemple à la pointe de la modernité. Il sera d’ailleurs intéressant de noter quelle sera la consommation moyenne d’une Logan. Car même si sa garde au sol (15 cm) a été relevée pour répondre aux caractéristiques des réseaux routiers où elle est appelée à circuler, sa forme reste aérodynamique, puisqu’elle n’a pas cédé à la mode des voitures à toit haut perché. De surcroît, dans la mesure où elle ne vise pas les cinq étoiles aux crash tests et n’offre pas surabondance d’équipements (ce qui n’est pas indispensable est en option), la Logan a soigné sa ligne : environ 900 kg. Petit poids, bonne aérodynamique, moteurs modernes, toutes les conditions sont réunies pour que la Logan ait un appétit d’oiseau : de l’ordre de 6,84 l aux 100 km pour la version essence (1 400 cc). Et probablement 5 l aux 100 km pour le diesel (1 500 cc), disponible au deuxième semestre 2005.
Pour contenir ses coûts de fabrication, donc son prix, la Logan a misé sur deux autres facteurs. Primo, une production mondiale, au plus près de ses marchés prioritaires, pour diminuer frais de transports et coûts salariaux. La Logan sera ainsi construite dans cinq pays : Roumanie, Russie, Maroc, Colombie et Iran. Puis, sans doute, en Chine et en Inde. Secundo, des économies d’échelle. Car Renault vise haut : 700 000 unités par an. La Logan deviendrait ainsi le premier véhicule du groupe français, devant la famille Mégane/Scénic. Pour donner un ordre de grandeur, 700 000 voitures, c’est presque la production annuelle d’un constructeur comme BMW.
Le pari de Renault est d’autant plus ambitieux que, jusqu’à présent, toutes les histoires de « voitures mondiales réservées aux marchés émergents » se sont mal terminées. Soit parce que les marchés n’ont jamais émergé, soit parce que le public a dédaigné ces voitures. Dernier exemple, la Fiat Palio, qui fut également assemblée au Maroc, jusqu’à fin 2003, sur les chaînes de la Société marocaine des constructions automobiles (Somaca). Au cours de sa carrière, la Palio a juste dépassé les 500 000 exemplaires produits, tous pays confondus…
Mais sur les 700 000 Logan espérées chaque année, Renault table sur 300 000 exemplaires construits en Iran, marché fermé, en vertu d’un accord d’exclusivité passé avec le gouvernement iranien. Dès lors, l’objectif assigné ne paraît pas farfelu. Les autres chiffres de production sont moins élevés : 250 000 exemplaires en Roumanie, 60 000 en Russie, 45 000 en Colombie et 30 000 au Maroc. Sur le papier, le compte est bon. S’il est avéré par les faits, ce serait une bénédiction pour la Somaca.
Car le record de production de l’usine de Casablanca remonte à 1975, avec 25 216 modèles assemblés. Le chiffre n’a jamais été confirmé, mais le seuil de rentabilité de la Somaca tourne autour de 50 000 modèles par an, ce qui explique le destin mouvementé de cette usine entrée en production en 1962. Si 30 000 Logan s’ajoutent aux 15 000 Renault Kangoo, Peugeot Partner et Citroën Berlingo déjà assemblés chaque année à Casablanca, l’avenir de la Somaca est assuré. Reste à savoir – même si la moitié des exemplaires montés à Casablanca est destinée à l’exportation – si le marché marocain, qui tourne autour de 50 000 véhicules neufs, peut réellement absorber 15 000 Dacia Logan par an. Certes, le tarif de la Logan est attractif. Mais la réputation de la marque Dacia reste à bâtir. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toutes les Logan vendues sous la marque Dacia porteront un badge ainsi libellé : « Logan by Renault ».
L’heure de vérité est venue. La Logan va être progressivement lancée sur les routes du monde. Sincèrement, tous nos voeux l’accompagnent. Car à force de chanter les louanges de la « voiture plaisir » dans les pays développés, les constructeurs automobiles avaient fini par perdre de vue cette vérité : la grande majorité de la planète attend une voiture qui réponde à ses besoins, à ses moyens. La Logan vient réparer cet oubli.

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