[Tribune] L’évasion fiscale n’est pas qu’un problème de pays riches

Abdoulaye Mar Dieye, sous-secrétaire général chargé du Bureau des politiques et de l’appui aux programmes du Pnud, et Pascal Saint Amans, directeur du centre de politique et d’administration fiscale de l’OCDE, soulignent l’efficacité du dispositif Inspecteurs des impôts sans frontières au service des administrations fiscales africaines.

Des billets de 100 dollars © CC Creative Commons / Pixabay

Des billets de 100 dollars © CC Creative Commons / Pixabay

Abdoulaye-Mar-Dieye-Afrique
  • Abdoulaye Mar Dièye

    sous-secrétaire général chargé du Bureau des politiques et de l’appui aux programmes du Pnud

Publié le 12 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Avec au moins 250 milliards de dollars par an de pertes de recettes fiscales, l’évasion fiscale des multinationales représente entre 4 et 10 % de l’impôt sur les sociétés. Mais il ne s’agit pas que d’un problème de pays riches. Au contraire, les pays les plus pauvres dépendent encore plus de l’impôt sur les sociétés qui représente jusqu’à 40 % de leurs recettes fiscales.
À l’heure de la mobilisation autour des objectifs de développement durable, et en particulier de la mobilisation des ressources nationales (donc largement de l’impôt), il était urgent d’ajouter aux formes traditionnelles d’assistance technique aux administrations fiscales un nouvel outil, innovant, simple, efficace et… « sexy ». C’est le projet « Inspecteurs des impôts sans frontières » (IISF) conjointement lancé et géré par le Pnudet l’OCDE depuis 2015 et le sommet d’Addis Abeba sur le financement du développement.

Partant du principe que la meilleure façon d’apprendre c’est de faire, IISF a pour objet d’adjoindre un inspecteur des impôts aguerri à une équipe locale d’un pays en développement qui en fait la demande pour participer au contrôle fiscal en temps réel d’une multinationale, sur des problématiques de fiscalité internationale (prix de transfert, valorisation des actifs incorporels, traités fiscaux…) et des problématiques complexes propres à certains secteurs d’activité (pétrole ; diamants ; services financiers ; …). Car c’est en travaillant ensemble, sur un cas réel, que s’opère au mieux le transfert de technologie fiscale et que s’apprennent les ruses du métier de vérificateur : que regarder dans les comptes ? Quelles questions poser à l’entreprise ? Comment redresser les prix de transfert ?…

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Un retour de 100 euros pour chaque euro dépensé

IISF offre une plateforme mettant en relation les administrations fiscales des pays en développement et les inspecteurs des impôts chevronnés de pays plus avancés. Nous organisons la mise à disposition de ces inspecteurs pour un temps limité et leur financement. Un petit secrétariat partagé entre New York et Paris s’assure de la qualité des vérificateurs, de la bonne formulation des demandes et du bon déroulement des opérations sur le terrain tout en respectant strictement le secret fiscal (le secrétariat n’a pas à connaître du nom des entreprises contrôlées).

Il s’agit d’une assistance « low cost » mais au retour sur investissement assez impressionnant. À l’occasion des 44 déploiements jusqu’à présent, plus de 400 millions d’euros (244 millions rien que pour l’Afrique) ont été effectivement redressés et collectés par les pays ayant eu recours à un Inspecteur des impôts sans frontières. Au total, depuis le lancement de l’initiative, y compris la phase de conception et de test, le coût n’a pas excédé 4 millions d’euros, soit un retour de 100 euros pour un euro dépensé !

Au-delà des sommes collectées, c’est à un vrai changement de comportement des contribuables qu’on assiste. Les administrations fiscales des pays en développement ayant bénéficié d’une assistance IISF font en effet état d’une amélioration de la qualité et de l’uniformité des contrôles fiscaux qui s’est traduite par un niveau de discipline fiscale volontaire plus élevé.

Les demandes d’assistance IISF aujourd’hui affluent et nous sommes fiers que des assistances sud-sud aient déjà eu lieu (entre le Kenya et le Botswana ; le Nigéria et le Liberia ; l’Afrique du Sud et la Zambie ; et l’Inde et le Swaziland). Notre ambition ? Approfondir les partenariats avec les organisations régionales déjà investies dans le projet, comme Le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF), et atteindre 100 déploiements d’ici 2020 mais aussi explorer si ce type d’initiative peut s’étendre à d’autres domaines techniques. Un projet pilote de lutte contre la fraude fiscale est ainsi en cours en Namibie. Mais IISF pourrait, bien au-delà de la fiscalité être un modèle pour compléter le travail de fonds des grandes organisations prestataires d’assistance technique.

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