SBY, haut la main

Publié le 27 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Avant même de connaître le nom du vainqueur, on pouvait déjà dire qui était le principal gagnant de la présidentielle indonésienne du 20 septembre : la démocratie. Il s’agissait en effet d’une première dans l’archipel, où le chef de l’État, choisi jusqu’ici par un collège de grands électeurs en partie cooptés par l’armée, n’avait encore jamais été élu au suffrage universel direct. Et du parachèvement d’un processus de construction d’un véritable État démocratique amorcé en 1997.

Une gageure dans le pays musulman le plus peuplé de la planète – 230 millions d’habitants -, qui est sorti depuis peu de temps, après une grave crise économique suivie d’une longue période d’agitation, d’un régime militaire dirigé pendant trente ans par un homme à poigne, le général Suharto. Et qui a subi, ces dernières années, et encore à la veille du scrutin à Djakarta même, des attentats islamistes meurtriers. Dans une telle situation, on aurait pu imaginer que des élections libres profiteraient, sinon aux extrémistes, du moins aux puissants partis religieux modérés ou aux tenants de l’ordre pur et dur qui présentaient tous des candidats censés rassurer la population. Or tous ont été éliminés dès le premier tour par des électeurs qui ont démontré qu’ils voulaient d’abord regarder avec optimisme vers l’avenir.
Mieux : avec ce scrutin opposant les deux candidats arrivés en tête au premier tour, l’Indonésie a découvert aussi les vertus de l’alternance puisque la majorité de la population a choisi d’élire Susilo Bambang Yudhoyono, le challengeur de Megawati Sukarnoputri, fille du premier président de l’Indonésie et chef de l’État sortant. Et il ne s’agit pas d’un choix résigné ou par défaut puisque le vainqueur a obtenu environ 60 % des voix pour une participation record de près de 80 %.
Si Megawati a été battue, c’est sans doute plus affaire de style que de programme. Considérée comme la figure de proue de l’opposition au régime militaire depuis les années 1980, elle était très populaire lors de son accession à la magistrature suprême en 2001 après la destitution de son prédécesseur, Abdurrahman Wahid. Mais même si la majorité de ses concitoyens lui savait gré d’avoir préservé la stabilité du pays et encouragé son évolution vers la démocratie sans mettre en péril son relatif redressement économique, elle était apparue, depuis sa nomination, comme une figure très conservatrice, peu dynamique et éloignée du peuple.

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Dans ce contexte, SBY, comme se fait surnommer familièrement le président élu, a su jouer très habilement la carte du changement, de l’ouverture et de la proximité avec la population. Habile communicateur, ce jeune général à la retraite de 55 ans, originaire de Java, a su apparaître comme celui qui saurait à la fois se préoccuper du sort du peuple, assurer la sécurité du pays et s’attaquer aux problèmes les plus urgents : la corruption, le chômage, l’insuffisance des investissements nationaux ou étrangers et, plus généralement, la croissance, encourageante depuis l’an dernier (plus de 4 %), mais encore trop faible pour un pays qui ne s’est toujours pas complètement remis de la « crise asiatique » de la fin des années 1990.

SBY a donc réussi à incarner l’espoir d’une Indonésie dynamique, soucieuse avant tout de participer à l’essor général de l’Asie, en se présentant comme un homme nouveau. Mais d’aucuns, relevant qu’il n’a exposé aucun véritable programme ni donné des indications sur le choix de ses futurs collaborateurs, doutent de ses intentions réelles. Et, en particulier, de la solidité des convictions libérales de ce populiste qui, disent-ils, pourrait cacher derrière son masque souriant un conservateur autoritaire.
Car s’il a su gérer son image, à l’écart des partis traditionnels, le nouveau président peut difficilement passer pour un politique au passé vierge. Sa rapide ascension dans la hiérarchie militaire a eu lieu pendant les grandes heures du régime Suharto : il a exercé des commandements au Timor oriental à la pire époque de la colonisation et, plus tard, à Djakarta, où ses hommes n’ont pas hésité à mettre à sac un jour les locaux du parti d’opposition dirigé par une certaine Megawati Sukarnoputri. Puis il fut nommé superministre de la Sécurité par le président Wahid, poste qu’il a conservé jusqu’à ce qu’il soit « démissionné » quand ses ambitions présidentielles sont apparues au grand jour. Quant à ses capacités dans le domaine économique, elles restent tout simplement à démontrer. On attendra donc avec impatience les premières décisions de SBY pour évaluer ses chances de réaliser de réels changements dans un pays réputé difficile à faire évoluer.

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