Saddam cultive son jardin…

Pour tuer le temps, l’ex-raïs, détenu dans le camp Cropper, près de Bagdad, s’adonne à la lecture et s’occupe de ses plantes.

Publié le 27 septembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Que devient Saddam Hussein, neuf mois après son arrestation près de sa ville natale de Tikrit ? À en croire le New York Times, l’ex-homme fort de Bagdad, affaibli par des douleurs à la prostate, passe son temps à lire et à entretenir son jardin en attendant son procès, qui pourrait se tenir en novembre, selon Iyad Allaoui, Premier ministre du gouvernement intérimaire irakien.
À la lisière de Bagdad se dresse le camp Victory, un ancien palais de Saddam transformé en quartier général américain. À l’intérieur, entre autres, le camp Cropper, fortifié et dissimulé derrière de hauts murs surmontés de fils barbelés et de sacs remplis de sable, étroitement surveillé par des soldats en armes du haut de leurs guérites. Saddam et certains de ses compagnons y sont détenus.
Là, loin des palais dorés, l’ancien maître de Bagdad se contente d’une petite cellule climatisée de trois mètres sur quatre. Il dispose d’un lit pliant, d’un bureau, d’une chaise en plastique, d’une bouteille d’eau et d’un tapis de prière. Mais aussi d’une bibliothèque de cent soixante-dix livres fournie par le Comité international de la Croix-Rouge. Il lit régulièrement le Coran et des ouvrages sur le glorieux passé arabe. Mais aussi des recueils de poésie et des contes millénaires qui traitent de l’histoire de Bagdad.
Ses geôliers américains l’ont isolé de la plupart de ses codétenus de peur qu’il ne tente de brouiller les pistes ou d’intimider ses anciens collaborateurs. Onze prisonniers sont cependant autorisés à jouer aux cartes ou à d’autres jeux de société avec lui. Coupé du monde extérieur – il n’a pas droit aux journaux, à la radio et à la télévision -, il ignore tout de l’évolution politique en Irak. Mais continue de se proclamer détenteur légal du pouvoir.
En dehors des trois heures d’exercice physique auxquelles il a droit tous les jours, Saddam entretient régulièrement des plantes dans une cour proche de sa cellule. Pour Bakhtiar Amin, ministre irakien des Droits de l’homme, le comportement de l’ex-raïs est paradoxal car, dit-il, c’est l’homme « qui a commis quelques-uns des plus grands actes de destruction de la nature, lorsqu’il a asséché les marécages dans le sud de l’Irak, utilisé des armes chimiques contre 250 villages kurdes, déraciné des palmeraies entières pour les livrer aux leaders du monde arabe qui lui léchaient les bottes ».
Dans sa nouvelle « résidence », Saddam porte des sandales en plastique et des vêtements traditionnels arabes. Il mange les mêmes plats que les soldats américains. Pour soigner ses douleurs à la prostate, il a été conduit en hélicoptère à l’hôpital de l’armée américaine, dans la « zone verte », quartier hypersécurisé du gouvernement Allaoui et de quelque 2 500 militaires et civils américains.
Au cours d’une seconde visite médicale, Saddam n’a accepté d’être soigné que par des médecins (militaires et civils) irakiens qu’il connaît, mais il a refusé une biopsie qui aurait pu déterminer s’il souffrait d’un cancer de la prostate. Pourtant, les tests sanguins ainsi que les examens effectués révèlent qu’il souffre d’une hernie et de troubles oculaires.
Le président déchu a aussi subi des interrogatoires en vue de son procès pour génocide et crimes contre l’humanité. Impassible, il n’a pas reconnu les faits et n’a montré aucun signe de remords pour les centaines de personnes tuées sous son règne de vingt-quatre ans. Au contraire, il a affirmé avoir agi légalement et qualifié ses victimes de traîtres.
Reste que Saddam n’a pas encore d’avocat. Plusieurs d’entre eux s’étaient désignés pour l’assister, mais, à ce jour, aucun ne s’est formellement présenté. Il en est de même pour les autres détenus, qui ont accusé le coup à l’annonce de la défection de la défense ; ils savent que les cinq juges qui présideront les tribunaux sans jurés auront le pouvoir de prononcer contre eux la peine de mort.
On n’en est pas encore là. Des experts judiciaires occidentaux doutent que l’échéance fixée par Allaoui soit respectée tant l’enquête piétine et l’épineux problème de la défense tarde à être résolu. Le Premier ministre, lui, multiplie les initiatives pour la tenue du procès en novembre, d’autant que le jugement de Saddam avant la fin de l’année pourrait faire pencher la balance en sa faveur lors de la présidentielle de janvier 2005. Le jugement des dignitaires du parti Baas, explique-t-il, sera « un exercice de catharsis ». Ex-membre de ce parti dans les années 1960, avant d’en être la victime et de connaître l’exil, Allaoui assure qu’il n’est mu par aucune volonté de vengeance ni aucun calcul politicien. Et de dresser, à propos de l’ex-raïs, un constat sans appel : « Saddam meurt à petit feu. Il est en prison, il est seul, il a tout perdu, il n’a pas de pouvoir, il n’a rien, et pour lui, c’est pire que la mort. »

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