Quand Sarkozy courtise l’Afrique

Devant les ministres des Finances de la zone franc, le futur président de l’UMP a prononcé un discours de candidat à l’Elysée. De quoi agacer un peu plus Jacques Chirac…

Publié le 27 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

La traditionnelle (et biannuelle) réunion des ministres des Finances de la zone franc, qui s’est tenue le 23 septembre, à Paris, était, pour Nicolas Sarkozy, l’occasion à ne pas manquer. Absent à Brazzaville lors de la précédente, pour cause de contexte politique et budgétaire particulièrement chargé, le ministre d’État, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ne sera pas non plus de la partie à la prochaine, prévue à Lomé en avril 2005. Le numéro deux du gouvernement français aura en effet quitté Bercy entre-temps pour la présidence de l’UMP (Union pour un mouvement populaire, parti présidentiel) et un destin qu’il espère, de toute évidence, national en 2007. S’adresser à l’Afrique était donc pour lui une nécessité, qui n’a pas échappé à un auditoire de grands argentiers tout ouïe.
Loin des allocutions toutes technocratiques de son prédécesseur Francis Mer, Nicolas Sarkozy a tenu un discours de présidentiable que n’aurait pas renié… Jacques Chirac. Un Chirac qu’il n’a d’ailleurs pas cité une seule fois, mais dont il s’est attaché à calquer le style et le ton particuliers, faits de chaleur et de connivence, quand le chef de l’État français s’adresse aux Africains. « Je ne conçois pas, je ne concevrai jamais l’avenir de la France sans cette relation d’exception », a ainsi répété le ministre d’État, avant d’expliquer que la zone franc « constitue un repère essentiel à mes yeux : elle symbolise la communauté de destin entre la France et l’Afrique ». Un discours tout entier à la première personne du singulier, qui a dû singulièrement agacer l’hôte de l’Élysée : « J’ai personnellement veillé à préserver les crédits de l’Aide publique au développement » ; « J’ai annoncé que ces crédits seront en hausse de 5 % l’année prochaine » ; « J’ai soutenu la réforme » de la coopération, etc. Ajoutée au satisfecit adressé sur un mode très paternel à l’ensemble des États de la zone franc pour leurs performances en 2004 (6 % de croissance en moyenne), cette débauche de « je » n’a dans le fond rien de surprenant puisqu’elle est la caractéristique des déclarations de Nicolas Sarkozy. Mai il s’agit cette fois de l’Afrique, domaine présidentiel réservé s’il en est…
Lorsque Nicolas Sarkozy exalte « l’espérance qui anime des millions d’hommes et de femmes sur votre continent » et surtout quand il prend rendez-vous avec son auditoire « dans les prochains mois » afin de « poursuivre ce dialogue et donner corps à cette espérance », il va de soi que le futur président en exercice de l’UMP et futur candidat à l’élection présidentielle sort très largement des limites de sa fonction actuelle. Pas un mot pour Chirac, dont le parricide semble en la matière consommé – ni pour l’action du gouvernement : Sarkozy, à l’évidence, roule pour lui. Il sait, à l’instar du Chirac des années 1970 et 1980, que toute ambition d’un présidentiable de droite passe par un adoubement, une investiture africaine au sens large. Très présent au Maghreb, particulièrement en Algérie, où il entretient avec le président Bouteflika les meilleures relations qui soient, Nicolas Sarkozy a besoin de conforter ses ancrages au sud du Sahara, quitte à se heurter là aussi aux chasses gardées et aux préférences de l’Élysée. Il est proche du président sénégalais Abdoulaye Wade, lequel n’est pas exactement la tasse de thé de Jacques Chirac, proche aussi de l’Ivoirien Alassane Ouattara, alors que le favori de l’Élysée reste Henri Konan Bédié ; il a découvert l’importance d’un Omar Bongo Ondimba et ne manque jamais l’occasion de rendre visite à Paul Biya et Denis Sassou Nguesso, lors de leurs passages à Paris. Nul doute que, président de l’UMP, très rapidement en campagne de surcroît, Sarkozy aura à coeur de visiter les capitales clés de la Françafrique – où on le recevra en quasi-chef d’État. La marge de manoeuvre et la liberté de parole déjà considérables qu’il s’octroie seront alors totales. Dans les palais présidentiels de l’ex-pré carré, où l’on suit au millimètre, quitte à en surévaluer constamment les effets depuis que Paris a transféré à Bruxelles une bonne partie de ses prérogatives en matière d’Afrique, les moindres oscillations du PPF (paysage politique français), on s’en pourlèche les babines. Il n’y a rien de tel que les périodes préélectorales et leurs multiples besoins pour se sentir courtisé.

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