Partira ? Partira pas ?

Le secrétaire d’État américain s’apprêterait à jeter l’éponge. À moins que George W. Bush, une fois réélu, n’en fasse son « sésame ».

Publié le 27 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

A quelques semaines de l’élection présidentielle du 2 novembre, les spéculations vont bon train sur le sort du secrétaire d’État Colin Powell. À en croire le Washington Post, qui cite une confidence du bras droit de Powell, Richard Armitage, à Condoleezza Rice, conseillère à la Sécurité nationale, l’intéressé s’apprêterait à jeter l’éponge. L’ancien chef d’état-major interarmes reconverti depuis quatre ans à la diplomatie serait « épuisé et désabusé face aux conflits qui agitent l’administration Bush », assure, pour sa part, le magazine américain Gentlemen’s Quaterly dans une longue enquête publiée sous un titre ravageur : « Victime de guerre, Powell veut rendre son tablier ». À plusieurs reprises, l’intéressé a démenti la rumeur, sans pour autant convaincre. « Je ne sais pas de quoi les journaux parlent, répète-t-il à l’envi. Je suis à la disposition du président, et ce dernier et moi-même n’avons jamais discuté d’aucune autre option que celle de continuer mon travail pour lui. »
Pourtant, certains membres du département d’État avouent mezza voce qu’ils ne seraient nullement surpris d’un départ de Powell à la fin du mandat actuel de Bush. L’homme, qui a été opéré avec succès, à la mi-décembre 2003, d’un cancer de la prostate, est connu pour détester les innombrables déplacements qu’impose sa fonction, même s’il voyage nettement moins que ses deux prédécesseurs immédiats, Madeleine Albright et Warren Christopher. Mal à l’aise au sein d’une équipe dominée par des faucons qui lui ont fait avaler des couleuvres tout au long de la crise irakienne, Powell, 67 ans, aimerait prendre du champ et passer davantage de temps avec son épouse, Alma, celle-là même qui, en 2000, avait mis fin brutalement à ses ambitions présidentielles. « Si tu te présentes, je m’en vais », lui aurait lancé, sous forme d’ultimatum, l’ancienne animatrice d’une radio locale de Birmingham (Alabama) dont il fit la connaissance un soir de novembre 1961, à Boston, grâce à un ami de promotion.
S’il quitte ses fonctions en janvier 2005, Colin Powell pourrait être remplacé par sa « soeur », la très conservatrice Condoleezza Rice, dont la réussite comme conseillère à la Sécurité nationale n’a pas été éclatante, mais qui présente le double avantage d’être l’un des durs du régime et, surtout, d’avoir l’oreille du président. « L’enfant du Bronx », fils d’émigrants jamaïcains, pourra alors s’atteler à la rédaction du second tome de son autobiographie(*), ou se retrouver à la tête d’une institution internationale, pourquoi pas à la présidence de la Banque mondiale, à Washington, lorsque le titulaire actuel, son compatriote James Wolfensohn, aura bouclé son deuxième (et ultime ?) quinquennat, en juin 2005. Powell en a, en tout cas, le profil.
Mais, pour l’heure, il préfère garder le silence sur ses réelles intentions. Sans doute parce que, en bon soldat, il n’est pas homme à quitter un navire en perdition. Même s’il a multiplié, ces derniers mois, les déclarations destinées à marquer sa différence. Ainsi a-t-il laissé entendre qu’il n’aurait peut-être pas recommandé d’aller en guerre s’il avait su qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak. Il n’a pas non plus manqué de fustiger la CIA pour lui avoir fait dire « sans preuves solides » que Saddam Hussein possédait des laboratoires mobiles pour mettre au point des armes bactériologiques.
« Rien n’est encore joué, nuance un diplomate africain en poste à Washington. Il n’est pas exclu que George Bush, une fois réélu, le maintienne, à condition, bien entendu, de vaincre les réticences d’Alma, son épouse. C’est, à ma connaissance, la seule personnalité du Parti républicain à pouvoir contribuer, demain, sans se déjuger, à recentrer la politique étrangère américaine et, au-delà, corriger l’image des États-Unis dans l’opinion mondiale. » Pragmatique, respecté dans le camp démocrate et même par ceux qui, comme l’ancien chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, ont croisé le fer avec lui dans le dossier irakien, Powell peut, par sa seule présence, être le « sésame » de l’administration Bush 2. « Pour le moment, le candidat républicain continue de tenir son discours de guerre habituel, notamment pour galvaniser les électeurs, poursuit le diplomate. Mais il ne peut pas rester indéfiniment sur cette ligne. Il lui faudra bien, un jour ou l’autre, composer. L’homme par qui viendra l’inflexion de la politique étrangère, l’artisan d’un éventuel retour des États-Unis sur la scène internationale, c’est Powell. »

* Le premier tome, Un enfant du Bronx, est paru en 1995 (Éditions Odile Jacob).

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