Ouganda : Bobi Wine en concert devant des milliers de fans
Le chanteur ougandais Bobi Wine, devenu une figure de proue de l’opposition au président Yoweri Museveni, a donné son premier concert depuis de longs mois devant plusieurs milliers de fans déchaînés, samedi sur les rives du lac Victoria.
Une large foule, tout de rouge vêtue, rappelant la couleur du béret du chanteur, s’était rassemblée très tôt sur la plage privée de ce dernier, dénommée « One Love Beach » située en périphérie de la capitale, Kampala.
Il s’agissait du premier concert du chanteur, devenu ces derniers mois l’un des principaux détracteurs du chef de l’État, depuis son élection comme député en juin 2017, sous son vrai nom de Robert Kyagulanyi.
À 36 ans, il est devenu le porte-parole d’une jeunesse ougandaise urbaine et souvent très pauvre qui ne se reconnaît pas dans le régime d’un Museveni vieillissant (74 ans) et au pouvoir depuis 1986.
Un concert hautement sécurisé
Dans une tenue blanche et avec son béret rouge, Bobi Wine est arrivé sur scène en début de soirée, sous les applaudissements assourdissants de ses fans, en présence de plusieurs hommes politiques d’opposition.
Le chanteur, surnommé « Son Excellence le président du ghetto » par ses supporteurs, souvent jeunes et pauvres, a lancé un message d’apaisement à l’égard de la police, qu’il avait accusée par le passé de l’empêcher de se produire sur scène.
« Je remercie la police ougandaise d’assurer notre sécurité et de ne pas nous stopper comme elle l’a toujours fait », a-t-il déclaré. « Nous sommes un peuple pacifique, mais nous voulons être entendus », a-t-il ajouté sous les vivats de la foule.
L’objet de ce concert est le lancement d’un album musical, en aucun cas un rassemblement politique
La police et l’armée étaient massivement déployées pour s’assurer que l’interdiction de tout défilé et de toute publicité à caractère politique soit bien respectée.
« L’objet de ce concert est le lancement d’un album musical et seulement un divertissement, en aucun cas un rassemblement politique », avait insisté le porte-parole de la police de Kampala, Luke Owoyesigire.
« C’en est trop »
Mais la police, pour laquelle il était cette fois-ci difficile d’interdire un concert ayant lieu sur la propriété du chanteur, n’a pu totalement empêcher que circulent certains messages politiques.
Ce concert est la preuve que nous sommes non violents, mais que nous sommes un groupe qui demande le changement
Plusieurs musiciens ougandais connus ont promis de soutenir la carrière politique et musicale de Bobi Wine. Et huit d’entre eux ont annoncé qu’ils se présenteraient aux prochaines élections législatives.
Ce concert est la preuve « que nous sommes non violents, mais que nous sommes un groupe qui demande le changement », a déclaré sur scène un musicien apprécié du public, Eddie Kenzo.
La foule était arrivée aux premières heures du jour pour assister à ce concert destiné à promouvoir le nouvel album de Bobi Wine, « Kyarenga », paru au printemps et devenu très populaire pendant son arrestation en août.
La pop-star, qui mêle des textes sur la justice sociale et la pauvreté à des rythmes afrobeat accrocheurs, a composé dans cet album des chansons appelant le peuple à lutter pour sa liberté, et dénonçant les brutalités policières, le chômage ou la pauvreté.
Pour de nombreux observateurs, « Kyarenga », qui veut dire « c’en est trop » dans une langue locale de l’ouest du pays, est un message caché à destination du président Museveni, suggérant qu’il est temps pour lui de partir.
Bobi Wine était rentré en septembre en Ouganda sous étroite surveillance policière, après trois semaines passées aux États-Unis pour des soins.
Il avait accusé la police, laquelle dément, de l’avoir battu et torturé fin août, alors qu’il était en détention provisoire après avoir été inculpé de trahison à la suite du caillassage du convoi de Museveni en marge d’une élection législative partielle à Arua (nord) quelques jours plus tôt.
Son retour au pays avait entraîné un nouveau raidissement du pouvoir, qui avait interdit toute manifestation, déployé ses forces de sécurité en nombre dans les rues de Kampala et fait couper toute circulation sur la voie rapide menant à l’aéroport international d’Entebbe, à environ 40 km de la capitale.
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