MEDays 2018 : « Il est temps que Marocains et Algériens se rassemblent et discutent »

Place du Maroc en Afrique, nouveaux partenariats pour le continent, nouveaux acteurs économiques… Après trois jours de débats à Tanger, Brahim Fassi Fihri, le président du Forum MEDays dresse un bilan de cette 11ème édition.

Brahim Fassi Fihri (à gauche) remet le prix MEDays 2018 au président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, le 9 novembre 2018. © MEDays

Brahim Fassi Fihri (à gauche) remet le prix MEDays 2018 au président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, le 9 novembre 2018. © MEDays

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Publié le 11 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Fils de l’ancien ministre des Affaires étrangères et conseiller royal marocain Taïeb Fassi Fihri, Brahim Fassi Fihri fait de la diplomatie à sa manière. À la tête de l’institut Amadeus, il organise chaque année à Tanger le forum MEDays dont l’ambition est de débattre des grands enjeux contemporains. Placée sous le signe de la rupture, la 11ème édition, qui s’est refermée samedi 10 novembre, a réuni plus de 300 intervenants.

Jeune Afrique : Le forum MEDays était placé cette année sous le signe de la disruption. Pourquoi ? 

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Brahim Fassi Fihri : La disruption, cela peut être compris positivement comme une évolution ou négativement comme un retour en arrière, une entrée dans la crise, voire le chaos. Je crois qu’actuellement, l’état du monde peut entrer dans ces deux catégories. Il y a le président américain Donald Trump, qui renferme les États-Unis sur eux-mêmes à un moment où nous avons plus que jamais besoin de multilatéralisme, il y a l’émergence de nouveaux acteurs politiques inclassables en Hongrie ou en Italie par exemple, il y a l’arrivée au pouvoir de partis populistes, comme au Brésil où Jair Bolsonaro vient d’être élu.

Et en Afrique ?

En Afrique aussi, comme la demande d’adhésion du Maroc à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui est selon moi une évolution positive. Tous les jours, les anciennes puissances coloniales qui étaient les partenaires traditionnels du continent perdent leurs positions au profit de puissances non-africaines comme la Chine, la Turquie, mais aussi le Japon ou la Corée du Sud ou africaines comme le Maroc, l’Afrique du Sud ou le Nigeria. Malgré les crises et les difficultés, l’Afrique attire toutes les convoitises, et nous assistons en ce moment à une bataille de leadership. À nous, Africains, de montrer que nous ne sommes la chasse gardée de personne.

Mais qu’est-ce que l’Afrique peut y gagner ? Ne risque-t-elle pas d’être simplement victime de nouveaux impérialismes ? 

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Nous vivons dans une économie globalisée, c’est une réalité… Il y aura toujours des puissances locomotives et d’autres qui s’y arriment. Le monde est fait ainsi. Mais désormais les pays africains ont le choix de leurs partenaires. Ils peuvent choisir avec qui et comment ils veulent travailler, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant.

Il y a un an et demi, le Royaume a demandé son adhésion à la Cedeao. Pourquoi ?  

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Le Maroc est le premier investisseur en Afrique de l’Ouest, c’est le pays africain qui a le plus d’accords bilatéraux avec les pays de la zone, les entreprises marocaines y sont extrêmement présentes. Le Maroc souhaite ainsi institutionnaliser ses relations avec la Cedeao car c’est un État ouest africain de fait.

Début novembre, le Maroc a imposé de nouvelles procédures pour l’entrée sur son sol de ressortissants du Mali, de Guinée et du Congo-Brazzaville. N’est-ce pas contradictoire ?

Ces procédures n’ont que valeur de test, elles ne concernent que quelques pays, dont tous ne sont pas membres de la Cedeao. Ce n’est pas l’établissement d’un visa.

L’entrée du Maroc dans la Cedeao semble pour vous une évidence. Mais pas pour tous les pays ouest africains, certains ont de fortes réticences…

L’opposition qui a émergé au Nigeria est un débat idéologique dans un pays qui pratique une politique ultra-protectionniste. Ils refusent aussi la zone de libre-échange continentale africaine et n’ont toujours pas signé les accords de partenariat économique. La réticence des opérateurs économiques et des syndicats au Nigeria reste purement économique et commerciale. En février prochain, il y aura des élections au Nigeria, cela changera peut-être la donne.

Depuis la déclaration d’intention des chefs d’État, les négociations n’ont pas avancé. Pensez-vous que cette intégration aura lieu un jour ?

Cela me parait irréversible et je crois que cela finira probablement par se faire. Aujourd’hui la balle est dans le camp de la Cedeao.

L’échec de l’Union du Maghreb arabe (UMA) est cuisant et incontestable.

Cette volonté d’entrer dans la Cedeao, est-ce aussi un constat d’échec définitif d’une union du Maghreb ? 

L’échec de l’Union du Maghreb arabe (UMA) est cuisant et incontestable. Alors, à un moment où l’intégration régionale est stratégique, il faut bien s’arrimer à une institution sous-régionale.

Plus que jamais, l’UMA relève de l’utopie même si j’espère que ça n’est pas définitif. L’appel de Sa Majesté [le 6 novembre, Mohammed VI a appelé à un dialogue « franc et direct » avec l’Algérie]va dans ce sens et nous espérons que de l’autre côté de la frontière il y aura suffisamment de bonnes volontés pour saisir cette main tendue. Il est temps que Marocains et Algériens se rassemblent et discutent. Ce qui nous rassemble est nettement supérieur à ce qui nous divise.

Vous êtes fils du diplomate et conseiller royal Taïeb Fassi Firhi. Le Forum MEDays est-il une forme de diplomatie qui ne dit pas son nom ?

Depuis sa création en 2008, le forum MEDays a toujours eu vocation de promouvoir les orientations de la diplomatie marocaine. Je suis persuadé qu’il est plus facile de discuter de sujets difficiles dans un cadre informel que dans un cadre classique. Ici, c’est une forme de diplomatie parallèle.

Le soft power est un paramètre essentiel dans les relations internationales et nous sommes un outil du soft power marocain. Je pense que nous avons un rôle à jouer. Vous savez, nous avons plus d’une décennie et je crois que lorsqu’on passé ce cap, c’est que l’on est utile.

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