Le soleil se lève à l’Est

Les touristes allemands et britanniques se font plus rares. Ils sont progressivement remplacés par les Russes et leurs voisins.

Publié le 27 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

« Dans les couloirs des hôtels, sur les plages et dans les souks, il n’est pas rare aujourd’hui de rencontrer des touristes russes, polonais ou hongrois », écrivions-nous, il y a neuf ans, dans un article intitulé « Tunisie : les Russes arrivent ! » (Jeune Afrique n° 1801, 13 juillet 1995). Face à cet afflux de vacanciers d’un nouveau genre, les réactions des professionnels tunisiens étaient alors très tranchées. Les uns, comme M’hamed Driss, y étaient favorables. « Les hôteliers n’ont pas trop à se plaindre de cette nouvelle clientèle, d’autant qu’elle est moins exigeante et plus dépensière », affirmait par exemple le propriétaire de la chaîne Marhaba. Ancienne gloire du football reconvertie dans l’hôtellerie, Abdelmajid Chettali était d’un avis diamétralement opposé : « Nos plages, disait-il, se trouvent à deux heures d’avion de la plupart des grandes capitales européennes, et nos hôtels sont de véritables joyaux gérés par des professionnels. Nous avons les moyens d’attirer une clientèle plus huppée pour des durées plus courtes. Pourquoi brader un produit aussi compétitif ? » L’ancien coach de la sélection tunisienne de football (qui est germanophone et marié à une Allemande) ne cachait pas son inquiétude : « Parce qu’elle est devenue la destination préférée des Allemands de l’Est, la Tunisie est en train de perdre de son aura aux yeux des Allemands de l’Ouest. »
La suite lui a largement donné raison. Le nombre des visiteurs allemands ne cesse en effet de décroître : 1 million d’entrées en 1999, 488 000 quatre ans plus tard. Parallèlement – on ne sait s’il faut y voir une relation de cause à effet -, celui des touristes en provenance d’Europe de l’Est progresse, lentement mais sûrement. Les Russes, bien sûr, sont les plus nombreux : 22 000 en 1999, 73 000 en 2003. Pour cette année, les experts de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) tablent sur 120 000 entrées.
Avec la baisse continue de certains marchés traditionnels (notamment allemand et britannique) et la croissance des nouveaux marchés d’Europe de l’Est (entre autres), les opérateurs du secteur ont-ils gagné au change ? Oui et non.
En dépit de la crise du tourisme mondial consécutive aux attentats 11 septembre 2001, le nombre des visiteurs séjournant en Tunisie continue d’augmenter. Avec plus de 5 millions d’entrées chaque année, elle reste l’une des premières destinations africaines. Et il va de soi que cette performance n’aurait pu être réalisée sans le développement de ces nouveaux marchés.
Revers de la médaille, les recettes en devises stagnent autour de 1,9 milliard de dinars (1,3 milliard d’euros), ce qui équivaut à une baisse compte tenu de l’inflation. La cause essentielle en est la guerre des prix qui sévit actuellement sur le marché du voyage. Certains hôteliers tunisiens ont cru devoir baisser considérablement leurs tarifs, tout en réduisant, de manière à la vérité peu élégante, la qualité de leurs prestations. Encouragée par les tour- opérateurs européens, eux-mêmes en difficulté, cette « braderie » a permis d’améliorer les taux d’occupation des avions et des hôtels. Mais elle a simultanément provoqué des réactions d’insatisfaction chez les clients. Une crise de confiance qui ternit considérablement l’image de la « destination Tunisie ».
Intervenant lors d’un colloque organisé le 16 septembre par l’ONTT dans un hôtel de la capitale, Abderrahim Zouari, le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, a vivement dénoncé ces pratiques irresponsables et invité les professionnels à respecter un niveau minimum de qualité afin de préserver leurs intérêts (et ceux du pays) à long terme.
Il n’est pas seul de cet avis. La représentante d’une agence de voyages russe a par exemple expliqué que « la Tunisie bénéficie d’une bonne réputation dans [son] pays », mais que « la plupart de [ses] clients déplorent que les prestations fournies par les hôtels correspondent rarement aux étoiles qu’ils affichent ». Conclusion : « Si ces plaintes venaient à se multiplier, elles pourraient avoir un effet désastreux. Mieux vaudrait améliorer la qualité des prestations, quitte à augmenter les tarifs. C’est le seul moyen d’attirer davantage de visiteurs russes. »
Vingt millions de Russes partent en vacances chaque année, dont 8 millions à l’étranger. Le montant de leurs dépenses, par personne et par voyage, est estimé à 500 dollars. Le marché est donc assez prometteur. Malheureusement, la Tunisie ne vient qu’au cinquième rang des destinations préférées des Russes, après la Turquie (1,1 million de visiteurs en 2003), l’Égypte (234 000), l’Espagne (215 000) et Chypre (139 000).
L’ONTT vient de lancer des campagnes publicitaires à Moscou, Saint-Pétersbourg, Iekaterinbourg et Samara. Ces régions comptent au total 27 millions d’habitants disposant d’un niveau de vie plus élevé que la moyenne du pays. Par ailleurs, le réseau de commercialisation va être porté à une douzaine de tour-opérateurs. L’Office compte ainsi attirer 200 000 touristes russes en 2005 et 500 000 en 2010. Et espère, bien sûr, que les recettes suivront elles aussi cette courbe ascendante.

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