« Le rêve français » : l’histoire des Antillais de France enfin racontée

Le téléfilm réalisé par Christian Faure revient sur le Bumidom, un épisode de l’histoire de France méconnu qui amena des milliers d’Antillais vers la Métropole.

Aissa-Maiga actrice

Aissa-Maiga actrice

eva sauphie

Publié le 23 février 2018 Lecture : 4 minutes.

« Comment sont arrivés les Antillais en Métropole » ?, « Pourquoi les Antillais sont-ils tous dans la fonction publique » ? C’est pour répondre à ces zones d’ombre, enrayer les idées reçues et dévoiler un pan de l’histoire française jusque-là occulté ou mal connu, que le tandem de producteurs martiniquais, France Zobda et Jean-Lou Monthieux, se sont emparés de l’épisode du Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer).

Le Bumidom : cet épisode historique occulté

Cet organisme public français a été mis en place en 1963 par Michel Debré – avant d’être dissous en 1981 sous le gouvernement Mitterrand – pendant la crise de l’industrie sucrière et la période de chômage qui a sévi dans les départements ultramarins. Un programme qui promettait à la jeunesse d’outre-mer une migration vers la France pour lui offrir un avenir meilleur. C’est quelque 70 000 Guadeloupéens, Martiniquais ou encore Réunionnais de conditions modestes qui ont ainsi gagné l’hexagone, Paris, pour finir par voir leur rêve français s’étioler. Une fois sur place, seuls des boulots subalternes boudés par les Métropolitains les attendent. Femmes de ménage, poinçonneurs à la RATP…

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Si certains ont vu dans le Bumidom des relents colonialistes, le scénariste du film, le Réunionnais Sandro Agénor, s’en défend. « Ce serait une erreur de penser que le projet a été créé pour des raisons idéologiques ». Il tient à rappeler l’obsession première de son initiateur, la démographie. « Debré a beau être un père de la Ve République, il est l’incarnation de la IV voire de la IIIe République qui a osé dire publiquement et avec une naïveté extraordinaire que les gens sous le soleil se reproduisaient plus », se souvient-il désabusé.

Devoir de mémoire… Et de transmission

Déjà à l’origine de la mini-série à succès, Toussaint Louverture, diffusée sur France 2 en 2012, l’équipe de ce téléfilm en deux volets réalisé par Christian Faure réitère la formule gagnante de la fiction historique aux codes romanesques, taillée pour le grand public. Un moyen de mieux sensibiliser et de soulever des prises de conscience chez le public qui verra « en prime time un casting majoritairement noir à l’écran », relève la productrice.

C’est sous couvert d’une histoire d’amour impossible entre Doris, joué par la parfaite Aïssa Maïga, et Samuel, campé par le convainquant Yann Gaël (Prix de la meilleure interprétation masculine au Festival de la Fiction TV de la Rochelle 2017), que se déroule l’action principalement tournée entre la Guadeloupe et la Métropole. Une épopée aux allures de saga familiale, n’en déplaise aux réfractaires, qui permet néanmoins de retranscrire le processus d’intégration des générations Bumidom.

« C’est un film sur l’identité nationale. On a voulu libérer la parole pour que les gens puissent se réapproprier leur histoire », détaille France Zobda. « On ne nous connait pas finalement, et on ne voit en nous que la couleur de peau », constate l’actrice née à Dakar d’un père malien et d’une mère sénégalaise, pourtant très crédible dans le rôle d’une Créole.

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« Trouver des acteurs issus des Antilles, porteurs de cette histoire, ce n’est pas si simple, concède-t-elle, le choix n’est pas si large que cela, et puis il s’agit aussi d’une question d’affinités. Cette proposition, je l’ai embrassée parce qu’il est question de la trajectoire d’une femme qui va chercher durant toute sa vie – et d’une façon extrêmement touchante – à conquérir sa liberté. Ce thème dépasse la question du Bumidom », éclaire Aïssa Maïga qui s’est néanmoins refusé à emprunter l’accent antillais.

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Briser les stéréotypes

Là où Le Gang des Antillais de Jean-Claude Barny s’attachait, derrières ses allures de thriller calibré pour les productions blacksploitation, au versant contestataire à travers l’histoire vraie de braqueurs antillais, Le Rêve Français s’inscrit dans un souci pédagogique et de véracité tel qu’il n’éclipse aucun sujet.

Du mouvement gréviste des ouvriers du bâtiment guadeloupéens ayant abouti aux émeutes de 1967, suivie de la répression armée par les forces de l’ordre survenue à Pointe-à-Pitre, à la lutte indépendantiste, en passant par la question de l’insertion socio-économique des Antillais de métropole, et celle liée au racisme d’état et aux discriminations raciales… Ce film, nourri aux témoignages, est complet.

L’équipe a effectué un travail de documentation palpable et s’est entretenue avec quelques garants de l’histoire. Proches, famille, mais aussi acteurs…  « Je suis une contemporaine de cette période, ma mère est venue par le Bumidom et j’ai connu ces regroupements familiaux, confie l’actrice française née à Pointe-à-Pitre, Firmine Richard (Romuald et Juliette, Huit femmes…) qui campe la mère de Samuel. J’ai connu ces jeunes filles qui se retrouvaient à suivre ces formations dans les châteaux pour devenir, selon leur niveau d’études, femmes de ménage pour la petite notabilité de province », se souvient celle qui a commencé à la RATP avant d’embrasser la carrière qu’on lui connaît. Un devoir de mémoire et de transmission – nécessaire aux nouvelles générations – réussi.

Le Rêve français de Christian Faure sur France 2 les 21 et 28 mars à 20h30.

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