Yemi Alade, reine de la pop panafricaine

Après avoir célébré le continent africain avec Mama Africa, l’afro pop star nigériane, Yemi Alade, étend sa magie noire en délivrant l’un de ses albums les plus panafricains.

Yemi Alade, lors de son concert au Midem 2018, le 6 juin. © S. CHAMPEAUX – Image &Co

Yemi Alade, lors de son concert au Midem 2018, le 6 juin. © S. CHAMPEAUX – Image &Co

eva sauphie

Publié le 5 mars 2018 Lecture : 4 minutes.

Une pochette signée de l’artiste nigérian, Laolu Senbanjo – déjà à l’origine de plusieurs artworks de Beyoncé – et un titre d’album aussi accrocheur qu’évocateur… Yemi Alade ne pouvait pas taper plus dans le mille avec Black Magic. Le nom de baptême de ce troisième effort sorti fin 2017 n’est autre qu’un hashtag viral et recense plus d’un million de photos sur Instagram. Tandis que le body painting – cet art convoquant les peintures corporelles africaines ancestrales – qui habille la peau de la vedette sur sa pochette, s’affiche aujourd’hui sur tous les visages de la jeunesse de la diaspora africaine, présente aux premières loges de cool festivals comme Afropunk.

« Black magic est un état d’esprit. Il s’agit d’empowerment, d’utiliser ma voix pour encourager les gens à faire du mieux qu’ils peuvent pour que leur vie devienne magique elle aussi, parce que quand je regarde ce qu’est devenue la mienne, cela me paraît irréel », réalise-t-elle dans son hôtel parisien du 9e arrondissement, quelques jours après son concert live organisé par Trace Africa. Une recette simple et efficace pour celle qui est devenue, à 28 ans, l’icône africaine de sa génération aux quelque 3 millions de followers Instagram. Mais aussi un pur produit de la naija pop, façonné par l’écurie indépendante Effyzzie. Yemi au programme du jeu vidéo Just Dance 2018. Yemi, coach the The Voice Nigeria saison 2. Et surtout : Yemi, reine de la scène.

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Marathon

A peine a-t-elle terminé son Mama Africa World Tour – avec pas moins de 13 états écumés aux US – que la voici déjà prête à défendre Black Magic un peu partout en Europe. C’est une Yemi exténuée que nous retrouvons, cachée derrière ses montures de lunettes de soleil et vêtue d’un complet jogging en peau de pêche. Il est plus de 21h, et la star a passé une bonne partie de la soirée à parcourir le tout Paris pour récupérer robes, chaussures et autres accessoires en vue d’un shooting prévu le lendemain. Pas question de chômer, elle a à peine le temps d’avaler sa salade box qu’elle doit encore répondre aux questions des journalistes. Mais Yemi Alade a de l’endurance.

« Au vu de la conjoncture économique de la musique, l’argent, je le fais avec mes chaussures » !, prévient celle qui doit assurer en moyenne un concert par semaine pour rester dans le coup. « Je suis signée sur un label indépendant et je parviens quand même à gérer parce que mon quipe veille à ce que j’ai tout le temps des projets en studio », remercie celle qui est pourtant sollicitée par les majors américaines depuis quatre ans. « Peu importe le poids du label, il s’agit avant tout de trouver le bon partenaire, celui qui ne dénaturera pas tout votre travail », soutient-elle. Ce rythme effréné ne laisse pas beaucoup de temps libre à l’ancienne étudiante en géographie. « La musique me prend tout mon temps. Je suis dans un pays différent chaque semaine, impossible de travailler à côté. Ma carrière a finalement un lien avec la géographie puisque je voyage partout dans le monde », s’amuse-t-elle.

Une énergie qu’elle déploie également sur scène. Véritable reine afro-futuriste à faire pâlir Queen Bey, Yemi – flanquée de tresses d’inspiration peule amassées en macarons et d’un combi-short argenté du cosmos – danse, interagit avec le public, passe d’une ballade aux accents jazzy à un ragga fiévreux en duo avec le chanteur guadeloupéen, Admiral T. « On a été présentés à mon arrivée à Paris, je ne connaissais pas sa musique et ça a été génial de répéter avec lui, j’ai fini par changer toute mon interprétation », avoue-t-elle. Parmi la belle brochette d’invités présents ce soir-là, Youssoupha, la chanteuse camerounaise Charlotte Dipanda, « une amie, une sœur », ou encore « l’immense star », MHD. « Les gens, mes fans, ma team, les médias, souhaitaient vraiment que je collabore avec lui. MHD a fini par me tweeter et ça s’est fait ».

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De la naija pop à la black music

Des featurings à géométrie variable qui témoignent de la polyvalence de Yemi Alade, aussi habile sur un rap que sur des arrangements afro pop ou RnB, et tout aussi à l’aise aux côtés d’artistes francophones qu’anglophones. « Certains chantent en français, d’autres en portugais, igbo ou yoruba, mais au final on est tous pareils, on partage les mêmes danses, la même culture ». Un élan panafricain qui se cristallise en studio.

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Aux côtés des guests nigérians, Olamine et Falz, figurent le Congolais Awilo Longomba et la chanteuse américaine d’origine dominicaine, Kat DeLuna. Quant aux influences, on retrouve la sève afro pop qui a fait le succès de l’interprète de « Johnny » (plus de 60 millions de vues sur Youtube), mais également un mélange assez retors de sonorités afro-latines, comme sur « Kpirim » et ses riffs de cuivres déversés sur de la cumbia colombienne – genre hérité des esclaves africains à l’est du pays – des accents de kwaito house venus d’Afrique du Sud (« Mo Lo »), de la dancehall sur « Bum Bum », du zouk et de la kizomba angolaise (« Ya Bah »). Tandis que quelques pépites convoquent les tubes de Rihanna ou  Beyoncé, à coup de plages d’électro synthétiques, de basses hip hop comme sur l’hymne féministe « Wonder Woman », où elle vante les super pouvoirs des femmes (« Wey dey take care of their baby/ Wey dey take care of their business » Elles s’occupent de leur enfant/Elles s’occupent de leur business).

« J’aime décrire ma musique comme inclassable. Sur Black Magic, j’ai été assez expérimentale. Je pourrais même chanter l’opéra s’il le fallait », concède celle qui a fait ses gammes, adolescente, à l’église en rejoignant le chœur adulte grâce à sa « grosse voix ». Yemi Alade peut en effet tout faire et se frotter à tous les genres, mais avec Black Magic, c’est bien à la black music qu’elle rend hommage.

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