Wax in the City : un nouveau regard sur la mode africaine
En promenant sa caméra en Afrique et en Europe, le réalisateur Elie Séonnet parvient à porter un regard neuf sur l’histoire et surtout l’avenir de ce tissu emblématique en Afrique.
Porté à l’écran par l’ancienne Miss France, la Franco-Béninoise Flora Coquerel, Wax in the City revient sur le boom du wax en évitant l’écueil afro-parisien. Le documentaire propose une immersion entre l’Afrique et l’Europe, du Bénin – « porte d’entrée principale du wax sur le continent » – au Sénégal, du Burkina Faso à la Côte d’Ivoire, en passant par la France (Paris) et la Hollande, là où est implanté le géant de la fabrication de pagnes Vlisco. Un retour sur la success story de ce tissu symbole de l’Afrique venu d’Indonésie, aujourd’hui plébiscité par l’industrie de la mode.
Prochainement diffusé sur Paris Première (le 8 juillet à 10h30), le film parvient à dépasser le prisme strictement modesque pour aller soulever des questions plus politiques comme l’appropriation culturelle, l’innovation face au respect des traditions. Et à s’intéresser à la dimension économique d’un secteur qui n’a jusqu’alors que très peu profité aux Africains.
Grâce à la fraîcheur de la narratrice et les témoignages des acteurs du secteur – designers basés sur le continent, stylistes de la diaspora mais aussi tailleurs, tisseuses et revendeuses sur les marchés – le sujet n’en est que plus incarné. C’est une Afrique pleine d’élan qui nous est donnée à voir, belle – en témoignent certaines prises de vues ultra léchées – et créative. Entretien avec l’initiateur du projet, le réalisateur Elie Séonnet.
Le wax a le vent en poupe, on en a beaucoup parlé. Qu’aviez-vous particulièrement envie de dire encore dessus ?
C’est un projet auquel j’ai réfléchi il y a un peu plus de deux ans déjà, et il n’y avait à l’époque pas grand-chose sur le sujet. Même aujourd’hui, les reportages demeurent assez superficiels.
J’avais envie de faire un film dans lequel les spécialistes de la mode africaine pouvaient se retrouver et être représentés, et qui permette au grand public d’en apprendre davantage sur le tissu et la mode africaine. Raison pour laquelle on ne s’est pas limités à Château Rouge.
Je voulais aller plus loin et raconter pourquoi les créateurs utilisent ce tissu, tout en revenant sur l’histoire du tissu – qui est assez étonnante ! – mais aussi de montrer qu’il y a d’autres tissus authentiquement africains (bogolan, batik, faso dan fani, pagne baoulé etc. ndlr), une création africaine foisonnante et que tout cela se mélange.
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C’est pourquoi on s’est rendus à la Dakar Fashion Week, pour rendre compte de la haute couture africaine. Je voulais montrer qu’il y a un dynamisme formidable en Afrique, et que c’est une chance pour la France d’avoir ces liens avec le continent, que cela enrichit tout le monde culturellement.
Vous donnez à voir une image de l’Afrique positive, ce qui est plutôt rare dans le paysage de l’audiovisuel français…
Je montre une image positive, mais pas fantasmée ! Cette réalité existe. Il faut que le regard que les gens peuvent avoir sur l’Afrique change. Et donner aussi à voir des images valorisantes pour les personnes d’ascendance africaine.
Avez-vous rencontré des difficultés à vendre votre sujet auprès des producteurs et à trouver des financements ?
Dans le domaine du documentaire, ce n’est pas facile d’approcher les chaînes, surtout les grandes chaînes traditionnelles. Elles se sont clairement montrées frileuses à l’idée de parler d’Afrique. Si le sujet ne traite pas d’humanitaire ou de guerre, ça n’intéresse personne. On m’a aussi dit que les Noirs ne regardaient pas de documentaires. Des choses qui m’ont fait bondir !
J’ai expliqué à Paris Première, qui a eu le courage de travailler avec nous, que c’était aussi une façon de faire venir ce public-là à eux. Le deuxième critère handicapant, c’était le sujet de la mode.
Dans le film, Adama Ndiaye dit avoir constaté une prise de conscience chez les acteurs de la mode africaine. Selon elle, ils prennent davantage en considération la dimension business de leur activité. Partagez-vous ce sentiment ?
Bien sûr ! Je ne suis pas spécialiste de la question, mais j’ai pu observer – au fil de mes séjours en Afrique – que la tendance allait dans ce sens-là. Une personne comme Maureen Ayité de Nana Wax a un business plan carré, et pour objectif de devenir le Zara africain. Cette nouvelle génération de designers communique beaucoup sur les réseaux sociaux, ce qui lui permet d’avoir un accès direct aux clients.
Ce manque d’interaction était l’un des problèmes majeurs pour les acteurs des industries créatives, lesquels étaient mis de côté par les médias mainstream. C’est ce qu’explique Chayet Chiénin de Nothing but wax dans le documentaire. Il y a moins d’intermédiaires, les créatifs n’ont plus besoin de convaincre des tiers pour se lancer.
Sur le côté business, le financement est le principal enjeu, comme l’explique à juste titre Elie Kuame dans le film. Les états et investisseurs africains doivent soutenir l’activité économique et aider les projets à se développer. Ils le font au Ghana, Nigeria, en Éthiopie ou même au Kenya. Les pays francophones ont plus de retard, mais ça bouge doucement. Car, s’il y a un investissement, le créateur peut acheter des machines, agrandir son local et produire plus. L’industrialisation est le vrai enjeu. Elle profite à tous.
D’après vous, le wax va-t-il survivre à la tendance ? Comment inscrire la création africaine dans sa pérennité ?
Je pense que l’Afrique est plus qu’une tendance. La nouvelle génération a envie de parler d’Afrique, nos enfants en auront également envie. Globalement, c’est l’Afrique qui est en train de prendre de la place, et ce dans tous domaines : musique, cinéma etc. Le wax ne représente qu’une partie de ce dynamisme. Les créateurs doivent faire le nécessaire pour que ça continue, mais je ne suis pas inquiet.
Le gros enjeu est surtout de faire en sorte que les tissus traditionnels africains se développent et puissent exister en dépit de la concurrence chinoise. Je rejoins Adama : tout ce qui peut faire de la pub à l’Afrique, je suis pour. Mais il faut que cela profite aux Africains.
Wax in the City, avec Flora Coquerel, réalisé par Elie Séonnet : diffusion le 8 juillet à 10h30 sur Paris Première
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