Et rebelote

Pour l’élection présidentielle d’octobre, le chef de l’État sortant, qui sollicite un second mandat de cinq ans, retrouvera sur sa route la plupart de ses adversaires du scrutin de 1999.

Publié le 27 septembre 2004 Lecture : 5 minutes.

En 1999, ils étaient déjà sur la ligne de départ. Cinq ans plus tard, les revoilà ! Prêts à en découdre à l’occasion de la présidentielle fixée au 13 octobre, avec un éventuel second tour couplé avec des élections législatives, le 4 décembre. Le président Mamadou Tandja, 66 ans, sollicite un nouveau mandat de cinq ans. Il affrontera Mahamadou Issoufou, 52 ans, finaliste malheureux de 1999, mais aussi Mahamane Ousmane, 54 ans, Adamou Moumouni Djermakoye, 65 ans, Hamid Algabid, 63 ans, ainsi qu’un nouveau venu dans ce type de compétition, Amadou Cheiffou, 62 ans, qui n’est pas pour autant un néophyte de la vie politique nigérienne, ayant occupé, de 1991 à 1993, le poste de Premier ministre de transition.
Ils sont donc six (ils étaient sept il y a cinq ans !), tous du sexe masculin, quatre monogames et deux polygames (Tandja et Issoufou), à briguer le suffrage des électeurs. Un chiffre pour le moins raisonnable, si on le compare aux vingt-quatre prétendants en lice lors de la présidentielle de 2002 au Mali, un pays comparable au Niger par sa taille et sa population. Ou aux seize candidats du prochain scrutin présidentiel camerounais. Il est vrai que, sur la quarantaine de partis officiellement recensés dans ce grand pays sahélien, seuls quatre ou cinq méritent à proprement parler cette appellation. « Il y a une volonté manifeste de la classe politique d’éviter la dispersion des voix, ce qui explique l’existence, au-delà des partis, de deux grands blocs politiques homogènes, confirme, au téléphone, Ali Sabo, membre du Conseil national du Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara, au pouvoir). Il n’y a que cinq partis actuellement représentés au Parlement, les autres n’ont pas de réelle envergure… »
On retrouvera donc en piste Tandja qui sollicite un ultime mandat, la Constitution nigérienne stipulant que « le président est élu pour cinq ans et est rééligible une fois ». L’ancien officier du génie militaire, deux fois ministre de l’Intérieur, plusieurs fois préfet et ancien ambassadeur de son pays au Nigeria, est investi par le MNSD-Nassara. Pour conserver son fauteuil, il devra se défaire de vieux briscards du paysage politique, persuadés que leur heure a sonné. À commencer par Mahamadou Issoufou, ingénieur des mines, leader du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarraya), qui, à la surprise générale, s’était invité au second tour de la présidentielle de 1999, avant de s’incliner face à Tandja, vainqueur avec près de 60 % des suffrages exprimés. Bon perdant, Issoufou, dont la formation est membre de l’Internationale socialiste, avait reconnu très sportivement sa défaite, un fait suffisamment rare sur le continent pour être signalé.
Cela dit, rien n’indique, en l’absence de sondages crédibles et d’indicateurs rigoureux, qu’on s’achemine vers une réédition du face-à-face inédit de 1999. Quelques-uns des autres prétendants sont aussi, à leur manière, des poids lourds politiques. Actuel président de l’Assemblée nationale, grâce à une alliance avec le MNSD-Nassara, Mahamane Ousmane, le leader de la Convention démocratique et sociale (CDS-Rahama), n’est pas un bleu. Il a même présidé aux destinées du Niger de 1993 à 1996, avant d’être renversé par un putsch, à la suite d’une mésentente grave avec son Premier ministre d’alors (Hama Amadou) et d’un blocage institutionnel. Même aujourd’hui amputé d’une partie de son fonds électoral, à cause d’un schisme récent au sein de la CDS-Rahama, Mahamane Ousmane se retrouve aujourd’hui dans la position – confortable – du faiseur de roi. C’est, à n’en pas douter, lui qui, au tour ultime, fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre. En 1999, il avait contribué à faire élire Tandja, bousculé par un jeune et fougueux prétendant aux dents longues, Mahamadou Issoufou.
Les autres candidats ne manqueront pas, eux non plus, de « monnayer » leurs suffrages au second tour du scrutin. Cas, probablement, d’Amadou Cheiffou, Premier ministre de la très chaotique transition nigérienne (1991-1993), qui, après avoir déserté les rangs de la CDS-Rahama et créé, au début de 2004, son propre parti, le Rassemblement social-démocrate (RSD), se présente pour la première fois à un scrutin présidentiel. Issu d’une grande famille, ministre d’État en charge du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), Adamou Moumouni Djermakoye, à défaut de drainer les foules, pèsera également de son aura personnelle dans le débat, sous les couleurs de l’Alliance nigérienne pour la démocratie et le progrès (ANDP-Zaman Layia).
Quid d’Algabid ? Ancien Premier ministre, ancien secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), ce père de famille affable ne semble guère s’intéresser au scrutin présidentiel, même s’il s’est battu pour arracher l’investiture du Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP-Jama’a), le parti du général Ibrahim Maïnassara Baré, assassiné en avril 1999. Et pour cause : envoyé spécial de l’Union africaine pour le Darfour, Hamid Algabid est quasiment absent de son pays depuis plusieurs mois. « Je m’en vais, mais je vous enverrai l’argent pour faire la campagne électorale », aurait-il lancé avant de disparaître à quelques responsables du RDP-Jama’a réunis à la mi-septembre à Zinder, la deuxième ville du Niger.
Au regard de la configuration électorale du pays et de son histoire politique récente, il est manifestement exclu que l’un des candidats sorte vainqueur de la consultation dès le premier tour. Ce qui oblige les uns et les autres à des alliances lors de la phase ultime fixée, tout comme les législatives – on l’a dit – au 4 décembre. Le scrutin sera organisé et supervisé par une Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de soixante-sept membres (en comptant ses démembrements sur l’ensemble du territoire). L’enveloppe financière globale de la présidentielle (deux tours) et des législatives (un tour) est estimée à 5,2 milliards de F CFA, dont 1,5 milliard seront versés par l’État, le reste par la « communauté internationale ».
La politique étant tout sauf une science exacte, il est périlleux de se risquer à faire des pronostics, même si Tandja bénéficie de la fameuse « prime du sortant ». Notamment parce qu’il a su maintenir une certaine stabilité dans un pays qui manque dramatiquement de tout et qui a connu, depuis 1993, quatre chefs d’État et une demi-douzaine de Premiers ministres. Face à lui, Mahamadou Issoufou, le benjamin de cette présidentielle, ne fait aucun mystère de ses ambitions. Il espère engranger les bénéfices de son comportement responsable de 1999 et devenir ainsi le huitième président d’un pays plus grand que le Burkina, la Guinée, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo réunis.

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