Viola Llewellyn, une Camerounaise reine de la fintech et féministe
Viola Llewellyn, co-fondatrice d’Ovamba, a réussi à creuser son sillon dans le secteur de la fintech. Elle sera présente à la prochaine édition des Inspir’Talk dédiée à cette industrie financière, le 21 juin prochain à Paris.
De tous les classements, Viola Llewellyn a réussi à lever plus d’un million de dollars pour une entreprise spécialisée dans la technologie (Digital Undivided Report, 2016). Un succès qu’elle doit en partie à sa résilience et à un travail sans relâche.
Camerounaise anglophone installée aux États-Unis, Viola Llewellyn est co-fondatrice et directrice générale du bureau camerounais d’Ovamba : la première société spécialisée dans la fintech dédiée au marché africain.
Fondée en 2013 aux États-Unis, l’entreprise propose des solutions alternatives aux PME africaines, via les technologies. Aujourd’hui présente dans plusieurs pays, comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire, Ovamba a su séduire de gros investisseurs tels que la société britannique GLI Finance, AXA Investment Managers et Barclays Wealth. Pourtant, cinq ans auparavant, qui aurait parié sur cette nouvelle industrie financière… en Afrique ?
« Je fais encore un travail d’éducation. Quand j’ai créé le projet, les gens pensaient que je me lançais dans la microfinance, la création de banques ou l’investissement dans les banques », réalise Viola Llewellyn. Or, le secteur regroupe quantité d’activités, à commencer par le financement participatif, ou le crowdfunding, la banque en ligne ou encore le paiement mobile.
>> Lire aussi : Chrys-Eve Nyetam, celle qui inspire la jeunesse de la diaspora à investir en Afrique
Intégration
Quand nous la rencontrons à Paris dans les locaux d’Hopscotch Africa, une agence multiculturelle de conseils en communication en Afrique, c’est une femme charismatique et pleine d’assurance qui s’impose à nous. L’allure d’une business woman, toute de noir vêtue, talons aux pieds, un charmant accent british et un débit mitraillette…
Viola sait d’où elle vient, ce qu’elle incarne et le rôle qu’elle est en train de jouer en Afrique. « J’ai toujours été passionnée par les sciences technologiques, un secteur pourtant peu accessible aux femmes noires, sans diplômes », avoue celle qui a dû renoncer aux études à la naissance de son enfant – qu’elle perdra 7 mois plus tard – alors qu’elle est âgée de 19 ans. « Imaginez une femme africaine, seule et enceinte ! Vous êtes d’emblée exclue de la communauté », rappelle-t-elle indignée.
Premier coup dur pour cette forte tête, qui n’a jamais reculé face à l’adversité. « Mes parents ont dû quitter le Cameroun dans les années 70, j’ai été élevée par une famille blanche en Angleterre, et j’ai eu la chance d’avoir une superbe enfance… Je dis tout cela parce que le parcours de la diaspora africaine est souvent atypique », analyse-t-elle. De retour au Cameroun quelques années plus tard, c’est le choc culturel pour Viola.
« La culture d’apprentissage est l’une des raisons qui m’a amenée à faire ce que je fais aujourd’hui. Au Cameroun, j’ai constaté que le système éducatif africain ne soutenait ni l’entrepreneuriat ni les modes alternatifs d’apprentissage. Raison pour laquelle nous, Africains, restons coincés dans un schéma très colonial d’éducation traditionnelle », constate celle qui décidera, de fait, de retourner en Angleterre.
Là, deuxième désillusion. Autour d’elle, très peu d’étudiants lui ressemblent. « Je me suis sentie étrangère au Cameroun et tout aussi étrangère en Angleterre, reconnaît-elle. Pourtant, chacun sait que les femmes noires sont en train de devenir un vrai sujet partout dans le monde. On doit autant se battre sur le plan business que financier, sexuel que social », concède cette combative qui n’a jamais eu besoin d’atelier d’estime de soi pour devenir « la nouvelle Steve Jobs ». Ce qu’elle a toujours souhaité : prouver qu’elle était capable et « digne de respect », malgré les discriminations intersectionnelles environnantes.
Self-made woman
Sans diplôme universitaire, alors en couple avec un homme qui la frappe tous les jours, et assommée de reproches… elle fait fi des agressions et parvient à intégrer les plus grosses entreprises, à commencer par IBM à 21 ans à peine, sans même connaître le secteur des technologies. Elle se forme, à force d’observations et de lectures.
Cinq ans plus tard, toujours plus déterminée, elle s’envole aux États-Unis et se réinvente. La self-made woman rejoint une agence de communication en tant que réceptionniste. Ambitieuse et convaincue de son potentiel, elle se fait remarquer, pose des questions, observe tous les pôles – du service clientèle à la publicité, en passant par la communication – et prête main forte.
« L’humilité et la volonté sont les outils les plus influents qui existent, surtout dans notre culture », indique-t-elle. Quand elle rejoint le cabinet KPMG, la future entrepreneure réclame un salaire à sa juste valeur et assoit son autorité. Son assurance lui permet d’atteindre la direction.
Une expérience qui la mènera à rencontrer son futur associé, Marvin Cole. « Il voulait construire quelque chose en Afrique, bien conscient que personne ne prendrait le risque d’y investir. Je pensais de mon côté que l’Afrique était un vrai bazar, avoue celle qui a réappris à aimer son continent. Puis, il m’a convaincue qu’en créant des opportunités, il y avait forcément de l’argent à faire ».
Créatrice de services et de solutions alternatives
« Quels sont les problèmes existant à résoudre sur le continent » ? C’est en partant d’une simple question que les deux associés trouvent leur positionnement. « Quand on lance un business, il faut être en mesure de créer un service », souligne Viola.
A l’aide de l’apprentissage automatique (une branche de l’intelligence artificielle), Ovamba – structure désormais composée de 15 personnes – propose des solutions personnalisées aux PME pour qu’elles accèdent au capital. « On peut s’occuper des achats, de l’expédition ou encore du stockage de marchandises, et on est capables d’évaluer si l’entreprise a besoin de container en plus ou non. C’est ça, qu’on appelle la croissance » !
L’objectif, analyser la faisabilité, traiter des problématiques précises tout en investissant dans des secteurs qui n’ont jusqu’alors eu que très peu d’opportunités. Parmi eux : l’agrobusiness, les biens de grande consommation, la logistique, les services de construction, « tous les secteurs que la classe moyenne utilise pour vivre », précise-t-elle.
En répondant à un réel besoin, la start-up co-fondée par Viola ne cesse elle aussi de gagner en croissance. Elle a aujourd’hui étendu ses frontières dans le nord du Nigeria et en Afrique du Sud, et s’exportera bientôt au Maroc, Soudan et au Ghana.
Depuis sa création, la plateforme a cumulé 16000 transactions et produit près de 115 millions d’euros de chiffres. Une belle ascension pour Ovamba qui a su s’attirer un partenaire de choix, le géant du logiciel américain, Microsoft.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan