Mamani Keïta lève la voix pour défendre les femmes avec Les Amazones d’Afrique

Rencontre avec Mamani Keita, membre du projet Les Amazones d’Afrique : un collectif féminin uni dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

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eva sauphie

Publié le 8 février 2017 Lecture : 4 minutes.

C’est aux côtés d’un beau panel d’artistes femmes principalement venues du Mali, mais aussi du Bénin, du Gabon et du Nigeria, que Mamani Keïta lève la voix en faveur des femmes. Parmi les amazones : Kandia Kouyaté, Angelique Kidjo, Mariam Doumbia, Rokia Koné, Nneka, Mariam Doumbia, Mariam Koné, Pamela Badjogo et Mouneïssa Tandina.

Des femmes courage réunies pour dénoncer les violences sexuelles, physiques et morales faites aux femmes africaines. Mais pas seulement. Solidaires, elles défendent la cause de toutes les femmes en musique et en mots depuis 2015, sur scène, pour sensibiliser le plus grand nombre.

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Un projet qui a enfin donné naissance à l’album République Amazone, dont la livraison est prévue le 10 mars prochain, deux jours avant la prestation du collectif à la Philharmonie de Paris.

Rencontre avec l’une des représentantes de ce supergroupe féminin : la chanteuse malienne Mamani Keïta, ex-protégée de Salif Keita. Avec les Amazones d’Afrique, elle compte bien contribuer au combat pour l’émancipation et la liberté de la femme.

Avec Amazones d’Afrique, vous vous battez en musique pour la liberté des femmes. Un projet qui fait sens, vous qui vous êtes affranchie de la tradition qui veut qu’une personne ayant un patronyme royal ne s’illustre pas dans la musique…

Exactement, comme Salif Keita. Au départ, ma mère était absolument contre l’idée que je fasse de la musique. C’est ma grand-mère maternelle qui m’a transmis l’art de la musique, toute petite. Elle chantait lors de cérémonies sacrées. Et progressivement je l’ai accompagnée. Puis, vers l’âge de 11-12 ans, je me rendais aux répétitions de la biennale artistique organisées dans notre quartier, pas loin de Bamako, en cachette. Quand ma grand-mère est morte, ma mère a fini par me donner sa bénédiction.

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Avec votre premier album, Electro Bamako, vous avez encore une fois fait preuve d’une grande liberté en osant mêler sonorités traditionnelles et électro. Vous n’êtes jamais là où l’on attend une artiste femme africaine…

Mon combat a toujours été celui-là. J’ai perdu mes parents tôt. Je ne suis jamais allée à l’école, c’est en France que je me suis formée quand j’ai rejoint Salif Keita en tant que choriste. Je n’avais pas de papiers. Je me suis d’abord débrouillée pour sortir une cassette dans le milieu africain, puis tout s’est enchaîné.

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La collaboration avec Marc Minelli sur cet album est partie d’une envie simple : je voulais que la musique traditionnelle d’Afrique de l’Ouest se mêle à la musique occidentale. Je souhaitais montrer qu’une femme était capable de monter de tels projets. J’ai eu peur au départ de l’accueil que l’album allait avoir au Mali. Mais il a été très bien reçu. Le morceau « Aidons les enfants du monde » (« Demisenoun ») a eu un succès fou. Les gens ont apprécié la façon dont j’ai osé amener la musique malienne ailleurs, en mélangeant les genres, et en l’exportant à l’international.

Le 1er single des Amazones d’Afrique, « I Play The Kora », illustre l’ensemble de vos combats. Quel message avez-vous en priorité envie de transmettre ?

Les femmes africaines souffrent beaucoup. On a voulu sortir un single volontairement fort pour que l’on nous écoute, que notre message soit entendu. Nous expliquons aux hommes que nous sommes leurs mères, leurs sœurs, la mère de leurs enfants, que sans nous il n’y a pas de monde. Et sans l’homme non plus.

La femme est devenue un objet. Une femme est violée pendant la guerre, tuée par son mari, une femme subit tout aujourd’hui. Il est temps d’arrêter tout cela. Aujourd’hui, les réseaux nous donnent accès aux images : on voit des photos de femmes battues par leurs maris sur Facebook, alors qu’à l’époque on n’osait même pas le dire à nos parents, nos proches.

En tant qu’artistes femmes, on s’exprime en chantant. Nous chantons pour que l’on nous entende ! Et que les gens réagissent.

Un morceau sur lequel vous et les autres membres du collectif reprenez le flambeau de Katoucha dans sa lutte contre l’excision…

Oui, on raconte que cette pratique a disparu, mais c’est faux ! Il y a encore de nos jours des familles qui se cachent pour exciser leurs enfants à la maison. Et des petites filles en meurent encore aujourd’hui. Ce n’est pas marqué dans le Coran qu’une femme doit être excisée. Et je suis Musulmane. On prive les femmes de leur intimité. J’ai subi cette mutilation. C’est du passé. Mais pour l’avenir de nos enfants, il faut en finir avec cette coutume.

Sur République Amazone, vous chantez principalement en Bambara. Comment allez-vous transmettre votre message au public ?

La chanteuse Nneka est nigériane et chante en anglais. Puis, on va parler en Français entre les morceaux pour sensibiliser le public à ces questions. A chaque représentation ou interview, on explique notre engagement, notre combat pour les femmes et les petites filles. Je suis d’ailleurs en pleine recherches pour rejoindre une association pour défendre les enfants maltraités et déscolarisés. Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école. Ma mère me disait qu’une fille n’était pas faite pour aller à l’école, que c’était la place d’un garçon. Or, sans formation, la jeunesse va se retrouver dans la rue. Heureusement, j’ai trouvé ma voi(x)e et je m’en sers aujourd’hui pour transmettre ce message.

Album République Amazone : sortie le 10 mars

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