Rebecca Cathline : La french tech se diversifie
L’application Ma Coiffeuse afro cofondée par l’entrepreneure afro-caribéenne, Rebecca Cathline, vient de recevoir le label French Tech Diversité. Entretien et retour sur les raisons de son succès.
A 30 ans tout rond, Rebecca Cathline a réussi le tour de force de bousculer le marché des applications en France en lançant la première appli réservée aux salons de coiffures dédiés aux cheveux crépus et frisés. Forte de 50 000 utilisateurs depuis son lancement il y a un peu plus d’un an, Ma Coiffeuse Afro vient de recevoir le label French Tech diversité. Un prix remis par Mounir Mahjoubi, secrétaire d’état chargé du numérique. « Une belle reconnaissance envers tout le travail mené », concède la cofondatrice de cette start-up innovante hébergée à la Station F, à Paris (13e).
L’entrepreneuriat 2.0
Face à un marché peu concurrentiel, une quasi invisibilité des salons de coiffure réservés aux cheveux afro sur Internet – la majorité des espaces étant très mal référencés -, Rebecca Cathline et son associé, Emmanuel Derozin, partaient avec de bonnes cartes en main pour révolutionner le secteur des services de niche. Mais c’était sans compter l’expertise tech et web 2.0 de Rebecca Cathline. « Au moment du lancement, mon associé et moi avions juste nos compétences. On a tout fait tout seuls », souligne cette diplômée en web marketing ayant fait ses classes chez Truffaut en tant que rédactrice web, Ventes Privés ou encore Jacqueline Riu en qualité d’assistante e-commerce.
Suite à un licenciement économique, la jeune femme saute sur l’occasion pour lancer sa propre entreprise. « Ma mère a été à la tête de plusieurs instituts de beauté, j’ai donc très tôt baigné dans l’entrepreneuriat ». Aussi, a-t-elle toujours eu dans l’idée de se lancer dans la création d’entreprise en proposant un service « qui n’existe pas déjà ».
Des réponses aux besoins de la communauté afro
C’est à partir de sa propre expérience que l’Afro-Caribéenne née d’un père ivoirien et d’une mère originaire de Marie-Galante, voit l’idée de Ma Coiffeuse Afro germer. « Je n’ai pas eu la chance, à la différence d’autres femmes afro, d’avoir quelqu’un de mon entourage capable de me coiffer, d’autant qu’à l’époque c’était la mode des piqué-lâché donc c’était très compliqué (rires) ! Aucune plateforme dédiée n’existait. Je passais par le Bon Coin, demandais des photos de prestations, j’avais aussi peur que la coiffeuse ne vienne jamais à mon domicile et de ne pas avoir le résultat escompté », avoue-t-elle.
Une économie informelle dopée à l’art de la débrouille qui la fait sourciller. L’envie de structurer tout cela et de répondre à des besoins personnalisés se font sentir chez celle qui a toujours aimé le confort de se faire coiffer « à la maison ».
« C’est en regardant une émission avec Christiane Taubira sur Canal + qui expliquait faire venir sa coiffeuse de Guyane, que je me suis rendue compte que la jeune fille que j’étais avait le même souci que l’ancienne garde des sceaux. A savoir, être dans l’incapacité de trouver une bonne coiffeuse à Paris ». Ma Coiffeuse Afro naît : une application qui connecte les femmes aux cheveux crépus et frisés avec des coiffeurs (majoritairement des femmes) maîtrisant ce type de cheveux, et officiant autant en salon qu’à domicile. D’abord sur Facebook, fin 2015. « Avant de se lancer dans l’application, on a voulu voir comment le projet allait être reçu ».
L’engouement prend vite tant du côté utilisateurs que des coiffeuses. L’équipe peut mener son travail de recensement des professionnelles, mais ces dernières sont les premières à venir directement à elle. « Et c’est ce qui se passe encore aujourd’hui », confie Rebecca, qui semble être la première surprise devant l’accueil réservé au concept.
Un projet porteur et revalorisant
Aujourd’hui, avec une communauté fidèle – qui n’hésite pas à partager son avis et son expérience utilisateur – de plus de 100 000 abonnées sur les différents réseaux sociaux (Facebook et Instagram) et près de 50 000 utilisatrices, l’entrepreneure peut se targuer d’avoir investi dans un projet porteur. « Ma Coiffeuse afro nous rapporte. On touche une commission sur la réservation en ligne ».
En marge de la conjoncture économique, Rebecca Cathline est également fière de mettre un coup de projo sur le secteur de la coiffure afro, trop longtemps stigmatisé. L’objectif de la start-up : viser à redorer le blason des coiffeuses afro, qui ont souvent mauvaise presse, en les encourageant à se professionnaliser.
En attendant que le projet de formation diplômante réservée aux cheveux crépus et frisés voit le jour, l’entrepreneure prend soin de faire passer des tests à chacune des coiffeuses et de les rencontrer avant de les référencer sur l’application. « La formation au cheveu afro en France est un gros soucis. Et pourtant, j’ai écrit à la Fédération Nationale de la Coiffure, sans jamais recevoir de retour. On aimerait que les choses avancent, surtout quand on constate les avancées de nos voisins outre-Atlantique dans le domaine, déplore Rebecca. Les coiffeuses afro sont prêtes à se former, elles ne demandent que ça et on ne met rien à leur disposition », s’exclame-t-elle en rappelant que le secteur de la coiffure afro peut créer 20 000 emplois en France.
La start-up MCA, elle, a pu voir sa propre équipe s’agrandir avec l’arrivée de deux autres personnes à temps plein sur le projet en moins de deux ans.
Diversifier ? Normaliser le secteur de la coiffure
Après une participation au Numa – réseau mondial de l’innovation et accélérateur de croissance pour les entrepreneurs tech – Ma Coiffeuse Afro est par ailleurs sélectionnée à la bourse du programme French Tech Diversité. « Parce que ce projet, c’est bien plus qu’une histoire de cheveux. C’est aussi l’espoir de voir demain des femmes aller travailler avec leurs cheveux naturels sans redouter des réflexions, c’est le fait de s’accepter telle que l’on est. Et de se dire qu’on ne diversifie pas le monde de la coiffure, mais qu’on le normalise » !
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