Atavismes
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J’ai bien aimé la récente série d’articles publiés dans nos colonnes sur le racisme antinoir au Maghreb, un sujet longtemps considéré par certains comme tabou. Leurs auteurs ont, chacun à sa manière, mis le couteau dans la plaie et provoqué, comme en témoigne l’abondant courrier des lecteurs, un débat salutaire, à défaut d’être cathartique, sur un fléau dont nos cousins d’Afrique du Nord n’ont, hélas ! pas le monopole. Au sud du Sahara, nous avons, nous-mêmes, nos propres tares et atavismes. Quand donc prendrons-nous le temps de nous y intéresser ?
Dans cet ordre d’idées, quelqu’un peut-il m’expliquer à quoi riment, aujourd’hui encore, les croyances médiévales fortement ancrées au Sénégal, en Mauritanie, au Mali – pour limiter mon propos à ces trois pays – sur les castes ? Même les élites dirigeantes et intellectuelles, tout comme les vieux militants des droits de l’homme, bref l’avant-garde comme on disait en d’autres temps, y regardent à deux reprises avant, par exemple, de demander la main d’une jeune fille ou d’un jeune homme. Les hommes politiques ne sont pas en reste qui s’empressent, à la veille des élections, de montrer leur pedigree. Comme si, en franchissant le pas, ils s’exposaient aux pires calamités.
Peut-on, par ailleurs, me dire au nom de quoi, dans la majorité des familles béninoises, on continue de traiter des gosses à peine sortis du berceau, communément appelés vidomègons, en bêtes de somme taillables et corvéables à merci ? Premiers levés, derniers couchés, ce sont les esclaves contemporains dans un pays qui, jadis, a servi de relais à la traite transatlantique. Pourquoi le sort des castés, des vidomègons et, au-delà, des minorités, n’intéresse-t-il pas grand monde ? Est-il à ce point difficile de porter un regard lucide sur sa propre société sans être suspecté d’avoir rompu l’omerta ? Pourquoi évacuer certaines interrogations si c’est pour nous retrouver, demain, avec une révolution aux portes du palais ?
Osons donc débattre, y compris de questions comme celles-ci : Pourquoi même les plus pauvres d’entre nous s’endettent-ils inconsidérément pour offrir des funérailles royales à leurs proches ? Pourquoi les chefs d’État francophones viennent-ils tous à Paris pour un oui ou pour un non ? Que répondons-nous à ceux qui soutiennent que nos villes étaient mieux entretenues, nos populations mieux loties, nos écoles et nos hôpitaux mieux équipés à l’époque coloniale ? Qu’avons-nous fait pour vaincre le paludisme, pour ériger des académies, construire des universités, asseoir des économies performantes et des institutions réellement démocratiques ? Et pourquoi, diable, l’Africain est-il un loup pour son semblable ?
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