Start-up de la semaine : Agri Land, pionnier dans la production d’extraits naturels en Tunisie

La start-up tunisienne créée en 2011 et spécialisée dans la biotechnologie entre en activité ce jeudi. Le procédé d’extraction utilisé, au CO2 supercritique, est une première en Tunisie.

Ayet Allah Hlaiem et Saif Eddine Kacem © Agri Land

Ayet Allah Hlaiem et Saif Eddine Kacem © Agri Land

Publié le 15 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Le site flambant neuf d’Agri Land, situé au milieu de 50 000 hectares de nappes forestières, dans la région de Kairouan, au nord de la Tunisie, entre en production ce jeudi 15 novembre. Quelques 2 300 tonnes de biomasse sont en stock, prêtes à être transformées.

Parmi les produits phares de la jeune entreprise, l’extrait de romarin (E392), le lycopène de tomates et les OPC de raisin, trois antioxydants naturels, issus de cultures tunisiennes, destinés à l’industrie nutraceutique (comprimés alimentaires). Mais aussi, des arômes de gingembre et de vanille et de l’huile essentielle de baie rose, extraits de biomasses importées de Madagascar et des Comores, pour l’industrie agro-alimentaire et la parfumerie.

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Le procédé d’extraction utilisé, au CO2 supercritique, est une première en Tunisie. « Aujourd’hui, tous les parfumeurs et les fabricants de produits nutraceutiques veulent utiliser ce procédé », souligne Ayet Allah Hlaiem, cofondateur d’Agriland. Et ainsi, éviter que des traces de solvants d’extraction comme l’hexane, qui serait toxique pour la santé, se retrouvent dans le produit fini. Ce procédé permet également, s’agissant du lycopène de tomate, d’obtenir un produit net de pesticides.

Exploiter le potentiel forestier tunisien

Au total, la start-up tunisienne, cofondée en 2011 par Ayet Allah Hlaiem et Saif Eddine Kacem, a investi 15 millions de dinars (environ 4,6 millions d’euros) pour industrialiser la production. Près de 70 % de ses capitaux ont été apportés en 2016 par les deux capital-investisseurs UGFS-NA et Arab Tunisian Development ATD-Sicar, les 30 % restants par les deux associés et un partenaire égyptien.

En 2019, Agriland prévoit de réaliser un chiffre d’affaires de sept millions d’euros mais refuse pour l’heure de divulguer le nom de ses principaux clients. Plusieurs leaders mondiaux se partagent ce marché, parmi lesquelles le fabricant suisse Givaudan et les français Naturex, Quimdis et Robertet. « Jusqu’ici, les multinationales sous-traitaient la production de ces additifs naturels à des PME européennes et asiatiques », explique Ayet Allah Hlaiem, fier d’imposer Agriland comme nouveau partenaire.

« La Tunisie jouit d’un potentiel forestier énorme », d’un million d’hectares, insiste le cofondateur d’Agriland. Traditionnellement, le pays, premier exportateur mondial d’huile essentielle de romarin, destine sa production à la parfumerie. Seulement, cette industrie n’utilise que 1 % de la plante. « Auparavant, nous ne disposions pas les moyens techniques pour optimiser les 99 % de la biomasse restante », souligne-t-il.

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Deux années de recherche

Pour mettre au point le prototype de leur biotechnologie, il a fallu deux ans aux deux entrepreneurs. L’appui financier en 2014 du capital-investisseur UGFS-NA, via son fonds d’amorçage Capitalease I, à hauteur de 120 000 dinars (environ 36 500 euros), a donc été décisif. « C’est très difficile de trouver un bailleur de fonds qui accepte de financer la R&D, insiste Ayet Allah Hlaiem. Cet apport nous a aidé de façon extraordinaire. »

Dans cette première phase de recherches, les deux associés ont aussi été épaulés par la faculté de pharmacie de Monastir (Centre-Est) et le centre technique de la chimie (CTC), sous tutelle du ministère de l’Industrie. Pour faire avancer leurs travaux, l’État a alloué une enveloppe de 300 000 dinars (environ 91 000 euros) au CTC dans le cadre du programme national de recherche et d’innovation (PNRI). Le soutien est également venu de l’étranger, via le centre étatique de recherches de Guangzhou, en Chine, et de la société française Naturex, spécialisée dans la production et la commercialisation d’ingrédients à base de végétaux.

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« Ces acteurs nous ont permis de passer d’une échelle à une autre : des essais sur paillasse dans les laboratoires à des tests sur des équipements pilotes où nous manions de plus grosses quantités, raconte Ayet Allah Hlaiem. Nous avons réussi à atteindre des teneurs en principes actifs alignées sur les standards internationaux, voire supérieure », souligne-il fièrement.

Éviter la confrontation avec l’ancienne école

Lui et Saif Eddine Kacem, son beau-frère, travaillaient ensemble dans l’entreprise familiale, KG Flowers, partenaire de la Maison Guerlain, depuis qu’ils avaient l’âge de 25 et 19 ans. Cette PME tunisienne, toujours en activité, est spécialisée dans la distillation du Néroli (fleur d’oranger) pour la parfumerie. « Face à la concurrence, nous savions que la clé de la réussite passait par la modernisation de notre industrie et l’innovation dans les biotechnologies », explique Ayet Allah Hlaiem.

Sûrs de leur succès, les deux Tunisiens, alors âgés d’une trentaine d’années et installés à Nabeul (Nord-Est), se lancent dans l’aventure à l’insu de leurs familles. « Nous avons joué la discrétion absolue », raconte Ayet Allah Hlaiem, soucieux d’éviter la confrontation avec l’ancienne école. Ils conservent leurs fonctions au sein de l’entreprise et leurs proches ne découvriront l’existence d’Agri Land qu’en 2017.

La start-up tunisienne compte aujourd’hui une vingtaine de salariés et vise l’embauche d’une cinquantaine de personnes suite à l’ouverture du site de production. En 2017, les deux cofondateurs d’Agriland ont monté Biolex, une entité de pré-traitement de 200 employées, située à cinquante kilomètres de la nouvelle usine. « Nous avons privilégié la proximité avec les producteurs locaux », insiste Ayet Allah Hlaiem.

Dans l’esprit des deux associés, Agriland est un « mini Naturex », en référence au leader mondial des ingrédients naturels. Ils marchent dans les pas de leur modèle et soutiennent activement le projet du gouvernement tunisien de rationaliser l’exploitation des nappes forestières. « Ce projet va permettre de pérenniser l’approvisionnement, éviter la surexploitation et assurer des relations plus équitables entre cultivateurs et acteurs industriels », souligne Ayet Allah Hlaiem. Pour ce projet, l’État tunisien a obtenu en mars 2017 un crédit de 100 millions de dollars de la Banque mondiale.

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