3 Questions à Lady Skollie, l’artiste sud-africaine qui a carte blanche à l’AKAA underground

La foire d’art contemporain africain AKAA, Also Known As Africa, est de retour jusqu’au 12 novembre à Paris. Le sous-sol du Carreau du Temple est investi pour la première fois avec la création de AKAA UNDERGROUND. Lady Skollie s’est appropriée cet espace avec succès.

LADY SKOLLIE

LADY SKOLLIE

Publié le 10 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Impossible de passer devant son projet sans s’y attarder. On ne sait plus où poser le regard tellement les œuvres nous interpellent. Elles se nomment Seek and find, Us vs Them II, Her, Him ou encore Verksleep. Des couleurs vives et frappantes, des corps aux courbes généreuses enlacés et des fruits symboliques racontent des histoires profondes parfois sombres. Cet univers mis en place dans l’AKAA UNDERGROUND est l’invention de Lady Skollie.

Crâne rasé, rouge à lèvre violet et henné sur les doigts, l’artiste sud-africaine de 30 ans a réalisé une fresque éphémère impressionnante : Mating dance.

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Elle travaille à l’aquarelle, l’encre et le crayon pour réaliser des peintures audacieuses. Son but ? Parler ouvertement des problèmes de sexe, de consentement, de plaisir, de connexion et d’abus humain. Celle qui visite la capitale française pour la première fois n’a aucun tabou et se décrit comme quelqu’un qui ne s’inquiète de rien. Spontanée et passionnée, elle déclare de sa voix portante : « Ici personne ne connait mon travail et je veux montrer au public quelque chose qu’ils n’ont jamais vu ».

Lady Skollie fait partie de la nouvelle génération de jeunes artistes engagés et féministes. Découvrez pourquoi !

Qui êtes- vous ?

En réalité je m’appelle Laura Windvogel mais les gens me connaissent en tant que Lady Skollie. On utilise le mot « skollie » pour décrire une personne qui brise délibérément les règles. Ce terme d’afrikaans veut aussi dire coquine. Il me correspond bien car les relations sexuelles et la dynamique relationnelle dans le contexte sud-africain sont des thèmes récurrents dans mon travail.A travers l’art, j’aborde aussi la violence à l’égard des femmes, les abus sexuels et les viols.

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C’est essentiel pour moi d’en parler car ce sont des choses effrayantes et on les passe sous silence en Afrique du Sud. Si je ne me trompe pas, les nouveaux chiffres révèlent qu’une femme sud-africaine sur trois a été victime d’une violence sexuelle.

Il ne faut pas se taire. Les femmes pensent ne pas avoir le droit de prendre la parole. C’est peut-être pour cette raison que je vais à l’encontre de cette pensée et que je parle haut et fort. A chaque rencontre que je fais avec le public, plusieurs femmes viennent me voir et me disent : « Parce que tu parles, je peux parler et ça me rassure que tu mettes la lumière sur ces sujets. »

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Je me rends compte que mon audace pousse certaines femmes à être audacieuses et j’en suis ravie !

On retrouve justement cette dualité de la sexualité humaine dans la fresque éphémère appelée « Mating dance » soit la danse de l’accouplement…

Oui, je me considère comme une femme noire pleinement africaine mais je tire mes origines des Khoisans, un peuple indigène d’Afrique du Sud. Ils avaient de nombreux rites, comme chanter et danser autour d’un feu. Une des danses appelée « Verksleep », une parade axée sur l’amour et le fait de courtiser une femme, ressemblait à la manière dont une autruche ou un dindon attirait les femelles pendant la période de reproduction.

Je me suis inspirée de mes racines pour ces dessins et j’ai mis en évidence la connexion existante entre deux personnes mariées ou simplement en couple. Je montre la force de cette connexion, la dynamique qui en ressort et les tours que l’on se joue dans une relation. Des sentiments comme l’amertume, la trahison ou la déception font surface, mais l’amour reste le plus fort.

En quoi est-ce important pour vous de participer à AKAA ?

Combien de fois ai-je entendu que mon travail n’était pas assez africain… Je trouve ça hilarant parce que les Blancs disaient aussi qu’il n’était pas assez africain pour le marché.

Aujourd’hui ce sont ces mêmes personnes qui essaient de vendre mes œuvres.  D’autres les achètent. En tant qu’artiste africaine, je pense que c’est important de se montrer dans une foire contemporaine et indépendante comme celle-ci.

Je suis très contente d’être là, dès que ma galerie Tyburn Gallery m’en a parlé je n’ai pas hésité une seconde. Elle me permet d’être visible dans des lieux où mon travail est bien reçu alors que pendant longtemps nous – femmes noires – n’avions aucune opportunité.

L’Afrique est en quelque sorte le phénomène du moment… On nous valorise, on nous met en lumière. Néanmoins je pense que c’est important pour les artistes africaines de rester indépendantes le plus longtemps possible et d’être à l’affut de tout.

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