[Chronique] « Bololo » : Edouard Philippe en « tchadien » dans le texte
Le Premier ministre français a employé mercredi 14 novembre un mot énigmatique tiré de la géographie africaine. Avec ou sans arrière-pensée ?
![© Damien Glez](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2018/11/14/edouard_philippe_bololo_1000.jpg)
© Damien Glez
![© GLEZ](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=80,height=80,fit=crop/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2021/05/18/gf_edito_autocaricature_bis-1.jpg)
-
Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 14 novembre 2018 Lecture : 2 minutes.
La technique est éprouvée par les politiciens français : distrayez l’auditoire grognon en jetant en pâture un mot inattendu, que la plèbe rongera comme un os linguistique. Jacques Chirac a eu son « abracadabrantesque » et son « pschitt », tandis qu’Emmanuel Macron se gargarise de désuets « Perlimpinpin », « croquignolesque » ou très récemment « bibi ».
Sans doute l’actuel Premier ministre français souhaitait-il créer une telle diversion en employant, ce mercredi, l’expression « mettre le bololo ». Il évoquait les risques de désordre liés aux manifestations programmées par le mouvement des « gilets jaunes »…
Édouard Philippe a interloqué, l’expression employée étant largement méconnue – même des dictionnaires
Pas sûr qu’Édouard Philippe réussisse à distraire, au sens de « détourner l’attention ». Il a tout de même distrait les réseaux sociaux, au sens d’ » amuser « . Il a surtout interloqué, l’expression employée étant largement méconnue – même des dictionnaires.
Celle-ci ne semble utilisée que par quelques militaires gardant en mémoire certaines OPEX, ces fameuses opérations extérieures de l’armée française. Le mot commun « bololo », argotique pour ne pas dire « jargonique », a pour origine le nom d’un des cinq quartiers du deuxième arrondissement de la capitale tchadienne, non loin de Djamba Ngato et Mardjandaffack.
Mercredi matin, au milieu des pastiches de l’expression « philippéenne », le journaliste politique Geoffroy Clavel expliquait sur Twitter que le mot désignait « un capharnaüm, une situation confuse et désordonnée » qui « tire son origine d’un quartier délabré de N’Djamena ».
"Bololo": Argot militaire hérité des OPEX en Afrique qui désigne un capharnaüm, une situation confuse et désordonnée. Tire son origine d'un quartier délabré de N'Djamena, la capitale du Tchad https://t.co/wsOsMWHFFO
— Geoffroy Clavel (@GeoClavel) November 14, 2018
Quelle mouche a piqué le Premier ministre français ? Peut-être un psychanalyste nous apprendrait-il que « bololo » fait partie d’un phrasé entendu par Édouard Philippe dans son enfance. Peut-être un communicant nous révèlera-t-il que la créativité ministérielle du jour faisait partie d’une construction d’éléments de langage.
Qui osera y détecter un dédaigneux relent françafricain ? Aux habitants de Bololo de dire s’ils sont honorés de l’intrusion de leur nom de quartier dans le vocabulaire français, ou s’ils en ont soupé des lieux communs associés à des rues moins chaotiques qu’il n’y paraît…
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Bénin-Niger : dans les coulisses de la médiation de la dernière chance
- Au Togo, le business des « démarcheurs », ces arnaqueurs qui monnaient la justice
- Qui entoure Mele Kyari, président de la NNPC, l’État dans l’État au Nigeria ?
- Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo, sur les terres de Simone à Bonoua
- Alafé Wakili : « Aucun pays n’est à l’abri d’un coup d’État »