Maroc : en taxant davantage les boissons sucrées, le royaume veut guérir de son diabète

Lors des débats sur le projet de loi de finances (PLF) 2019, les législateurs marocains ont adopté des mesures pour taxer davantage les boissons sucrées. Si les maladies cardiovasculaires causent d’importants dégâts sur la santé, elles pèsent également sur les finances publiques.

Photo d’illustration © Youtube/Emilio / Vert Feuille

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CRETOIS Jules

Publié le 14 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

« Les maladies chroniques et de longue durée sont à l’origine de la moitié des dépenses de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale [Cnops] », concède Aziz Khorsi, chef de division au sein de ce gestionnaire de l’assurance santé des fonctionnaires marocains. En tête viennent l’hypertension et les maladies cardiovasculaires, liées à certains modes de consommation. Depuis des années, différentes institutions tirent la sonnette d’alarme, notamment au sujet du diabète « qui progresse de manière vertigineuse », selon Khorsi.

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C’est pour donner un premier coup de frein à la progression du diabète et des maladies cardiovasculaires que les membres de la première chambre marocaine ont proposé des amendements au projet de loi de finances (PLF) 2019. Deux mesures ont été adoptées à l’unanimité, dimanche 11 novembre, par la commission des Finances : une hausse de 50% de la Tic (taxe intérieure sur la consommation) sur les boissons gazeuses ou non gazeuses contenant du sucre, et l’ajout d’une TVA spécifique sur les boissons gazeuses ou non, contenant plus de cinq grammes de sucre pour 100 ml.

La première mesure vise les consommateurs, la seconde les producteurs, explique Mustapha Ibrahimi

« La première mesure vise les consommateurs, la seconde les producteurs », explique Mustapha Ibrahimi, député du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste). Ce chirurgien de profession est la cheville ouvrière de l’amendement concernant les boissons gazeuses. En 2018 déjà, il avait demandé aux législateurs d’adopter ces mesures.

Deux millions de Marocains diabétiques

Selon la Ligue marocaine de lutte contre le diabète ainsi que d’autres spécialistes, environ deux millions de Marocains sont concernés par le diabète – même si la moitié d’entre eux l’ignorent. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette pathologie est la cause de plus de 12 000 décès par an à travers le royaume. Quant à la consommation de boissons sucrées, elle est très répandue. Le marché compte de nombreuses entreprises, étrangères et nationales.

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La commission des Finances a également débattu de deux autres points : l’augmentation des droits de douane sur les boissons augmentées en sucre, et la suppression pure et simple de la subvention sur le sucre, qui profite avant tout à l’industrie agroalimentaire. « La compensation (…) du sucre (…) sera maintenue », a finalement statué le ministre de l’Économie et des finances, Mohamed Benchaâboune, lors d’une conférence de presse consacrée à la présentation du PLF 2019. Mustapha Ibrahimi, lui, espère pouvoir aussi discuter lors du prochain PLF des produits laitiers, non concernés par les mesures prises cette année.

Une facture salée

Les députés ont cependant rencontré quelques résistances. « Au sein de l’administration, on a bien senti que ça dérangeait », confie un élu. La bonne santé de ce secteur pourvoyeur d’emplois leur a été opposé comme argument pour laisser les coudées franches aux industriels de la « limonade ». Ibrahimi a ressorti de ses dossiers une étude publiée en 2014 par le cabinet McKinsey : l’obésité coûterait déjà environ 24 milliards de dirhams [2,2 milliards d’euros] par an aux finances publiques. Voilà de quoi faire réfléchir les argentiers du royaume.

Il existe des preuves que les taxes sur les boissons sucrées engendrent une réduction proportionnelle de la consommation

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Quant à l’efficacité de l’introduction de taxes, l’OMS en atteste dans un rapport de 2017. Selon l’agence onusienne, il existe « des preuves croissantes » que la mise en place de taxes sur les boissons sucrées engendre une « réduction proportionnelle de la consommation ».

Le Mexique est un pays que les professionnels de la santé marocains ont observé de près. Parmi les premiers consommateurs au monde et touché par une réelle épidémie d’obésité, le pays centre-américain a instauré en 2014 un impôt sur les boissons sucrées, que certains jugent encore trop léger. Mais des élus marocains assurent que les mesures prises par les Mexicains ont déjà permis une diminution intéressante, « notamment dans les couches sociales les plus exposées, qui sont les plus modestes, tout comme au Maroc », souligne Ibrahimi.

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