Scandaleux !

Publié le 27 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

« En Afrique, l’enfant est roi », entend-on dire ici et là. Ce n’est pas toujours le cas. Du moins, dans mon pays, le Bénin. Ni d’ailleurs chez deux de nos voisins les plus proches, le Togo et le Nigeria. Il ne faut pas se voiler la face ! Le Bénin est devenu la plaque tournante d’un ignoble trafic de mineurs vers des « émirats » pétroliers que sont le Nigeria, le Gabon et le Congo-Brazzaville. On estime en effet à plus de quatre mille le nombre de gosses en partance pour ces cieux (supposés plus cléments) qui sont interceptés, chaque année, aux frontières béninoises.
Entre la fin septembre et la mi-octobre, quelque deux cents d’entre eux, surexploités dans des carrières d’Abeokuta, à une centaine de kilomètres au nord-est de Lagos, ont été récupérés par les autorités nigérianes et ramenés dans leur pays d’origine. Certains de ces gamins avaient moins de 10 ans, les plus âgés 13 ou 14 ans. Ils avaient en commun d’être issus de familles modestes, d’avoir été cédés (contre quelques billets de banque et une vague promesse d’éducation et d’une vie meilleure) par leurs parents à des « intermédiaires » véreux, lesquels les ont revendus à des richissimes hommes d’affaires nigérians qui les ont envoyés casser la pierre à Abeokuta. Rentrés de leur galère en pays yorouba, la plupart de ces malheureux présentaient des traumatismes irréversibles, des callosités sur les mains, des plaies ou des cicatrices sur les membres, conséquences des mauvais traitements et de la malnutrition.

Dans un pays qui s’honore, à juste titre au demeurant, d’être une démocratie, cette scandaleuse affaire, dénoncée une fois de plus par l’Unicef et certaines ONG locales, n’a pas provoqué, comme on pouvait s’y attendre, de vagues au sein de la classe politique. Ni d’ailleurs de débat chez les intellectuels, prompts à interpeller le pouvoir pour un oui ou pour un non et à descendre dans la rue pour des peccadilles. Et pour cause ! Au Bénin, ces pratiques esclavagistes font partie du patrimoine national. Elles sont donc admises, pour ne pas dire « normales ».
Ainsi, chacun a son esclave à domicile. Chacun habite un « carré » – un pavillon – construit, entre autres, par des « apprentis » maçons de 10 ans faméliques. Et chacun connaît une petite fille ou un petit garçon arraché, un beau matin, à l’affection de ses parents nécessiteux et transformé en bête de somme à Cotonou, Porto-Novo, Ouidah ou Abomey. Premier levé, dernier couché, privé d’école et, au-delà, de toute instruction, vivant dans une dépendance insalubre, obligé de se contenter des restes, bastonné à la moindre fugue, parfois marqué au fer à repasser…
Tout le monde autorités, intellectuels, leaders d’opposition, syndicalistes, diplomates – sait de quoi il retourne, mais l’on préfère fermer les yeux. Comme pour les trois fameux singes qui décorent nombre de salons béninois, la consigne, ici, se résume à ceci : ne rien voir, ne rien entendre et, surtout, ne rien dire.

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