Révolution sans fil

Après l’époque des pionniers qui bricolaient des antennes avec les moyens du bord, les grands constructeurs parient à leur tour sur le Wi-Fi.

Publié le 27 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Hassan Adly, propriétaire d’un cybercafé à Hurghada, au bord de la mer Rouge, en Égypte, est heureux. Pour 360 dollars de matériel, grâce à la technologie Wi-Fi (Wireless Fidelity), des conseils glanés sur Internet et un peu d’astuce, il s’est construit une liaison haut débit sans fil pour relier sa maison à son cybercafé, sur une distance de 1 kilomètre. Il a pu ainsi profiter chez lui de sa liaison à haut débit satellitaire sans prendre d’abonnement supplémentaire. Hassan Adly fait partie des milliers d’amateurs passionnés qui, à travers le monde, ont rendu la Wi-Fi populaire en quelques années. La technologie des ondes radio n’est pourtant pas nouvelle, mais les formats utilisés étaient protégés.
La grande nouveauté de la Wi-Fi est d’avoir mis au point une norme ouverte et publique, acceptée par un large consortium de constructeurs. Du coup, les solutions bon marché se sont multipliées, et des accès Web à haut débit ont pu être partagés entre voisins, sans attendre le bon vouloir des opérateurs. La Wi-Fi devient disponible chez tout particulier, supprimant les câblages inutiles et permettant de surfer sur Internet aussi bien sur sa terrasse que dans sa chambre à coucher. Cette norme autorise en théorie des liaisons radio à 11 Mbit/seconde, dont le débit est deux cents fois plus rapide que celui d’une ligne téléphonique traditionnelle. Cette technologie intéresse aussi les zones rurales. En Inde, en particulier, plusieurs projets ont été réalisés à grande échelle, à l’image de cette coopérative de paysans dans l’État du Maharashtra, qui regroupe plus de deux cents villages. En moins d’un an se sont installés plus de cinquante accès Wi-Fi à Internet.
Cette année, 1,67 milliard de dollars (1,43 milliard d’euros) seront dépensés en matériel Wi-Fi dans le monde, et le marché devrait atteindre 15 milliards de dollars en 2005. Du coup, la Wi-Fi intéresse les grands constructeurs. Le géant américain Intel a investi 300 millions de dollars pour son nouveau processeur Centrino, qui équipe déjà la majorité des ordinateurs portables. Son atout : il est équipé d’un émetteur-récepteur Wi-Fi en série. Par ailleurs, Intel a investi 150 millions de dollars pour créer en trois ans 20 000 bornes Wi-Fi, en partenariat avec Cometa Networks, une filiale commune avec IBM et AT&T. L’idée est de cibler les lieux où se concentrent les utilisateurs potentiels d’un Internet nomade, par le biais de leur assistant personnel ou de leur ordinateur portable. Ces hot spots regroupent les cafés, restaurants, hôtels, centres de congrès, aéroports, gares ainsi que les avions, trains et bus.
Les hot spots existent pour l’instant essentiellement aux États-Unis, en Asie du Sud-Est, Corée du Sud en tête, et en Europe, où l’on a rattrapé le retard, avec une multiplication par vingt du nombre de hot spots commerciaux en un an, qui devrait atteindre 16 000 à la fin de 2003. En revanche, on les compte toujours sur les doigts de la main en Amérique du Sud et sur le continent africain. L’Afrique du Sud compte une douzaine de hot spots. Outre certains cafés et restaurants, le plus important se trouve à l’aéroport de Johannesburg. Pour le reste de l’Afrique, quelques expériences isolées ont démarré, notamment au Nigeria, où la société informatique Kes Computer a installé un premier hot spot dans un hôtel de Lagos fin août, et au Maroc, où le Hyatt Regency de Casablanca propose depuis juin un accès permanent haut débit à Internet via la Wi-Fi. Et durant la troisième édition du Festival du film de Marrakech, la Wi-fi avait été installée par Maroc Telecom au Palais des congrès, ainsi que dans plusieurs hôtels.
Les experts craignent néanmoins un éclatement de la bulle Wi-Fi après une forte euphorie. Techniquement, s’il est simple d’installer une borne Wi-Fi unique dans un café, il est beaucoup plus difficile de couvrir une large zone comme un aéroport ou un centre de congrès, et les coûts s’en ressentent. Par ailleurs, la Wi-Fi a fait l’objet de critiques pour sa vulnérabilité aux actes de piratage. Or la mise en place d’un minimum de sécurité est techniquement possible, mais fait encore chuter le débit. Certes, deux nouvelles normes cinq fois plus rapides ont été formalisées, mais l’une d’entre elles est située sur une nouvelle fréquence qui la rend incompatible avec le matériel Wi-Fi actuel. Autre souci, la rentabilité des hot spots commerciaux n’est pas encore prouvée. Aux États-Unis, dans les 2 300 cafés de la chaîne Starbucks équipés, seulement deux personnes en moyenne se connectent par établissement et par jour. Résultat très décevant pour une opération aussi gigantesque et aussi médiatisée. La Wi-Fi se cherche encore.

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