À qui profite le « statu quo » ?

Publié le 27 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Seize ans de guerre (de 1975 à 1991), plusieurs milliards de dollars dépensés par le Maroc et le Front Polisario pour maintenir près de 120 000 soldats des deux côtés de la ligne de cessez-le-feu décrété en 1991, 600 millions de dollars dépensés par les Nations unies pour essayer de parvenir à une solution acceptable par les deux parties… Sans résultat. Le problème du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole quasi désertique comptant 266 000 km2 et près de 300 000 habitants, est encore au point mort.
Le Maroc et le Front Polisario sont parvenus à la conclusion que le règlement du conflit ne peut être que politique, mais aucune des solutions préconisées par la communauté internationale n’a pu être mise en route. Les cinq plans proposés successivement par James Baker, ancien secrétaire d’État américain et représentant personnel du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, ont souvent été acceptés par l’un ou l’autre protagoniste, jamais par les deux à la fois. Le dernier en date propose d’instaurer un régime de semi-autonomie au sein du Maroc pendant une période de transition de cinq ans à l’issue de laquelle un référendum sera organisé. Les habitants du territoire pourront alors choisir entre l’intégration au Maroc, l’indépendance ou le maintien en régime semi-autonome.
Ce plan, qui est une synthèse des revendications des deux parties, a été « appuyé » par le Conseil de sécurité (la France s’opposant à son adoption). Votée à l’unanimité le 30 juillet dernier, la résolution 1495 relative à ce plan a été acceptée par le Polisario et son allié algérien, mais pas par le Maroc. Tout en se disant prêt à négocier un statut permettant à des institutions élues démocratiquement par « tous les habitants et anciens habitants du territoire » de gérer librement les affaires locales, le royaume alaouite continue de rejeter toute solution qui remette en question sa souveraineté sur le Sahara occidental. Il considère que le règlement doit être négocié entre le Maroc et l’Algérie. Traduire : sans la participation du Front Polisario.
Pour expliquer sa position, Rabat a lancé une vaste offensive diplomatique. Des délégations de « Sahraouis loyalistes » (ou royalistes) s’étaient ainsi rendues en Europe et en Amérique latine. Lors de sa récente visite dans le royaume, le président français Jacques Chirac a affirmé, le 9 octobre, au cours d’une conférence de presse à Fès, que la France avait déjà soutenu la position du Maroc sur le Sahara occidental et qu’elle la soutiendra à nouveau à la prochaine réunion du Conseil de sécurité, prévue fin octobre. Le chef de l’État français n’a pas manqué de rappeler, à cette occasion, que la résolution 1495 prévoit qu’« aucune solution ne peut être prise contre le gré de l’une ou l’autre des parties ».
Pour ne pas être en reste, le Front Polisario a lancé, de son côté, une campagne de communication politique. Son 11e congrès a été l’occasion d’expliquer aux quelque 200 invités étrangers venus d’une vingtaine de pays que la question du Sahara ne saurait être réglée sans la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Mohamed Khaddad, président du comité d’organisation du congrès et coordinateur avec la Mission des Nations unies pour le référendum du Sahara occidental (Minurso), résume ainsi la position du Front : « Le dernier plan Baker n’est pas sans risque pour nous. Mais si nous l’avons accepté, c’est parce qu’il pose clairement le principe de l’autodétermination. Et puis cela valait la peine, ne fût-ce que pour faire bouger les choses et s’inscrire dans une dynamique de paix. »
En organisant leur congrès pour la première fois en territoire sahraoui, qui plus est, dans un camp militaire, les chefs du mouvement ont-ils voulu montrer à leurs soldats qu’ils n’étaient pas seuls et abandonnés ? Réponse de Mohamed Khaddad : « On ne peut maintenir des soldats inactifs pendant près de treize ans. Cela affecte lourdement leur moral. À voir les conditions dans lesquelles nous vivons, le statu quo n’est pas, en effet, dans notre intérêt. Il n’est pas non plus dans l’intérêt du Maroc. Ce pays, dont les ressources ne sont pas illimitées et qui fait face à des problèmes sociaux, ne peut pas maintenir indéfiniment sur le pied de guerre 110 000 soldats en plein désert, même en leur accordant une double solde, en donnant des avantages aux officiers supérieurs et en consacrant 80 % de son activité diplomatique à la défense de la marocanité du Sahara. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires