Mohamed Fqih Basri

Leader de la gauche marocaine décédé le 14 octobre, à Chefchaouen, à l’âge de 76 ans

Publié le 27 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Mohamed Fqih Basri était un homme aussi affable que cultivé qui pouvait se montrer très convaincant lorsqu’il s’agissait de transmettre ou de défendre ses idées. Il est décédé chez lui, à Chefchaouen, à 280 km au nord-est de Rabat, le 14 octobre, après une première crise cardiaque survenue en France au cours du mois dernier et de laquelle il était sorti physiquement affaibli, mais avec un moral aussi fort qu’avant.
« Si Mohamed » s’était engagé dans le mouvement national à l’âge de 17 ans. En 1954, quelques temps après le coup de force réalisé contre le roi Mohammed V et sa famille par le résident général Guillaume, il a rejoint la résistance armée.
Une fois l’indépendance acquise, Si Mohamed s’est trouvé, compte tenu de son passé de résistant, dans une position qui lui permettait d’occuper – s’il l’avait voulu – des fonctions importantes au sein de l’appareil de l’État et de jouir du confort matériel et des honneurs correspondants. Il a préféré rester en dehors du système afin de continuer à militer aux côtés d’autres camarades issus de la résistance ou du parti de l’Istiqlal « pour l’instauration d’un système de gouvernement démocratique et de progrès social ».
C’est dans ce cadre qu’en 1959, en compagnie notamment de Mehdi Ben Barka, d’Abderrahim Bouabid et d’Abdallah Ibrahim, il présida à la création de l’Union nationale des forces populaires (UNFP), qui fut le premier parti de gauche non marxiste du Maroc. La tonalité progressiste du programme de l’UNFP, la qualité et le dynamisme de ses militants ne restèrent pas sans conséquences ! Après quelques péripéties caractérisées par des provocations policières, des arrestations, des révocations de fonctionnaires pour de simples délits d’opinion, etc., vint l’épisode des « complots », des tortures dans les locaux de la police, des juridictions d’exception et, enfin, de la condamnation à mort pour Si Mohamed.

Après sa libération anticipée en 1965, ce fut le départ en exil à l’étranger en 1966. Il est certain que l’éloignement du pays l’a probablement conduit à prendre pendant cette période des initiatives discutables sur lesquelles il a été peu loquace. Si Mohamed était-il pour autant un « blanquiste » ou un « putschiste patenté », comme d’aucuns se sont plu à le répéter à son endroit ? La réponse (partielle) a cette question a été apportée par lui-même dans l’interview publié dans Jeune Afrique en juillet 1987 (nos 1383 et 1384) : « J’ai toujours rêvé d’épouser la démocratie ! Je l’ai peut-être courtisée avec quelque rudesse (n’oubliez pas que je suis paysan), mais je ne faisais que bousculer maladroitement les obstacles qui me séparaient d’elle. Bref, je lui ai administré une preuve d’amour supplémentaire. »

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S’agissant des provinces du sud du Maroc et du conflit subséquent qui oppose à leur sujet le Maroc à l’Algérie par Polisario interposé, la position de Si Mohamed a toujours été conforme à celle de l’écrasante majorité de ses concitoyens : pour lui, l’intégrité et l’unité du pays ne pouvaient ni ne devaient faire l’objet d’aucun compromis avec qui que ce soit.
Un autre trait caractéristique de la personnalité de Si Mohamed consistait en son attachement quasi viscéral à l’idée du Maghreb, attachement qu’il formulait ainsi : « Le Maghreb n’est pas un songe creux, mais une exigence dictée par l’économie et la stratégie. »
À cet égard, je me souviens l’avoir vu défendre dans les années 1960 à Alger, avec une fougue et une passion inouïe, l’idée du Maghreb devant des responsables algériens dont il connaissait le manque de conviction sur le sujet ainsi que devant des nassériens dont la doctrine était de considérer le Maghreb « comme un projet inspiré par le colonialisme français ».
Tel était le patriote marocain, militant maghrébin et intensément arabe à la fois ! Il a décidé de regagner le Maroc, alors que nous étions quelques-uns à lui recommander avec insistance de rester encore en France pour se reposer et recouvrer ses forces. Il a préféré rentrer. Rétrospectivement, je crois qu’il ne pouvait pas concevoir de mourir ailleurs que sur une terre qu’il avait tant aimée !

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