Kibaki lave plus blanc

Une centaine de magistrats mis en cause : résolu à en finir avec la corruption, le chef de l’État ne fait pas dans la dentelle !

Publié le 27 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

« Le président Kibaki a fait un pas important dans la lutte contre la corruption au niveau judiciaire. » Le compliment n’est pas anodin puisqu’il vient de Colin Powell, le secrétaire d’État américain, arrivé au Kenya le 21 octobre pour la conclusion du processus de paix intersoudanais, à Naivasha. Deux semaines à peine après avoir été reçu en grande pompe à Washington et près de trois cents jours après son arrivée au pouvoir, Mwai Kibaki se devait d’envoyer enfin un signal fort à ses compatriotes. Sans doute l’opération « Mains propres » menée au coeur du système judiciaire en est-il un.
Établir la vérité pour mieux réconcilier les Kényans avec leurs dirigeants et, plus généralement, avec l’ensemble des fonctionnaires, tel est l’objectif que s’est fixé le chef de l’État. Ces dernières semaines, la lutte contre la corruption, ce mal endémique qui plombe l’économie du pays, est passée à la vitesse supérieure. Le 30 septembre, Me Ahmednassir Abdullahi, président de l’Association des juristes du Kenya (LSK), a été nommé président du Conseil consultatif de la Commission anticorruption (Kenya Anti-corruption Advisory Board), un jour seulement après l’entrée en vigueur de la loi sur l’éthique. Celle-ci impose aux fonctionnaires et aux ministres de déclarer leur patrimoine. Prompts à montrer l’exemple, le président, le vice-président Woody Amori et plusieurs ministres ont remis leurs formulaires dûment remplis au président de l’Assemblée nationale, Francis ole Kaparo. L’occasion pour Mwai Kibaki de réaffirmer ses engagements tout en chargeant une nouvelle fois la barque de la Kenya African National Union (KANU), l’ancien parti au pouvoir. « Il est important, a-t-il déclaré, de montrer que nous sommes déterminés à lutter contre la corruption. Pendant les quelques mois que j’ai passés à la tête du pays, j’ai découvert que, sans elle, le gouvernement disposerait des ressources suffisantes pour réaliser son programme. »
Les premiers résultats de cette croisade ne se sont pas fait attendre. Dès le 3 octobre, le Daily Nation a révélé ce qu’il en coûte pour corrompre un juge kényan : entre 4 000 shillings (45 euros) et 15 millions de shillings (168 000 euros), selon la gravité des faits. L’information provient d’un récent rapport sur la corruption du système judiciaire rédigé sous la houlette d’Aaron Ringera. Le 15 octobre, la Kenya Gazette a publié une « liste de la honte » mettant en cause 6 juges de la cour d’appel, 17 juges de la Haute-Cour et 82 autres magistrats. Parmi les 23 juges, certains avaient été chargés de fonctions importantes par le gouvernement « arc-en-ciel ». Juge à la cour d’appel, Richard Kwach avait par exemple été chargé d’un rapport sur l’état du système judiciaire. Quant à Daniel Aganyanya, ancien juge à la Haute-Cour, il était vice-président de la commission qui tente de mettre un terme au « scandale Goldenberg », une ténébreuse affaire de subventions versées pour des exportations fictives d’or et de diamants.
Dans la foulée, le président Kibaki a mis en place deux tribunaux disciplinaires chargés de juger les juges corrompus, dont le salaire a d’ores et déjà été amputé de moitié. Les avantages en nature (voitures, chauffeurs, gardes du corps) dont ils bénéficiaient ont été supprimés. Douze d’entre eux auraient déjà décidé de démissionner.
En toute logique, l’opération « Mains propres » devrait maintenant être étendue au barreau et à la police. « En ce qui concerne les policiers, c’est mission impossible. Vu le montant de leurs salaires, la corruption est, chez eux, presque structurelle », commente un observateur. À moins que la relance économique promise et l’adoption d’une nouvelle Loi fondamentale n’autorisent d’autres pas en avant.

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