Cohabitation explosive

Une altercation qui dégénère, une fusillade qui éclate… La guerre est finie depuis le mois de mars, mais, dans le Pool, la tension persiste entre militaires et rebelles Ninjas.

Publié le 27 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

C’est le premier incident sérieux depuis la signature, le 17 mars, des accords censés mettre un terme aux affrontements entre l’armée et les rebelles Ninjas dans la région du Pool, autour de Brazzaville. Le 15 octobre, en effet, une fusillade nourrie a éclaté entre des soldats de l’armée régulière stationnés dans la ville de Mindouli et des miliciens qui tentaient de charger des marchandises sur des wagons-citernes transportant des produits pétroliers. Bilan : onze morts.
Une banale altercation est à l’origine de l’incident. Un de nos confrères raconte : « Le chef de gare de Mindouli a refusé de laisser un groupe de miliciens monter dans le train, craignant qu’ils ne fassent exploser un wagon ou ne siphonnent l’essence en chemin. Le ton est monté, les Ninjas ont retenu le cheminot et une partie de l’escorte militaire du convoi, puis ont tiré des coups de feu en guise d’intimidation. Une balle a ricoché sur les rails et tué sur le coup l’un des soldats. Ses camarades sont arrivés et la fusillade a éclaté. » Un chef rebelle local connu sous le surnom de Koto-Dia Konko (« Coude de criquet ») y a trouvé la mort. Ayant tenté de s’interposer, il a été atteint par une balle perdue. Il avait été l’un des premiers à négocier avec les autorités la reddition de ses hommes.
Lesdites redditions ont commencé dès la fin de 2002. Harcelés par les forces gouvernementales, contraints de se réfugier dans la forêt et, parfois, de se nourrir de racines, de nombreux Ninjas ont choisi de déposer les armes en échange d’une promesse d’amnistie. Les défections prenant de l’ampleur, le chef de la rébellion, le « pasteur » Frédéric Bitsangu, plus connu sous le nom de Ntoumi, a été acculé à négocier. Plusieurs de ses lieutenants sont aujourd’hui installés à Brazzaville, dans de confortables villas mises à leur disposition par le gouvernement. Ntoumi, en revanche, a préféré rester dans son fief de Vinza. Plusieurs fois annoncée comme imminente, sa venue dans la capitale continue d’achopper sur des questions de sécurité. Le chef rebelle exige en effet d’être accompagné par 180 de ses partisans. Une revendication inacceptable pour les autorités. « Ntoumi fait monter les enchères, car il sait que sa venue à Brazzaville constituera la consécration de la politique de la main tendue défendue par le président Denis Sassou Nguesso », explique Dominique de Marseille, le directeur de l’hebdomadaire progouvernemental Le Choc.
Mais en jouant la montre, le gourou de la guérilla contribue au pourrissement de la situation. Les armes se sont tues, mais elles continuent de circuler. Tant qu’ils n’auront pas reçu un ordre formel de Ntoumi, la majorité des miliciens restés dans l’intérieur du pays s’opposeront à leur collecte, pourtant explicitement prévue par les accords du 17 mars. Pour éviter de faire capoter la trêve, les soldats gouvernementaux ont reçu pour instruction de ne pas les désarmer par la force. Du coup, sur le terrain, la cohabitation entre les ex- belligérants, tous armés jusqu’aux dents, est plutôt difficile.
De nombreux Ninjas ont rejoint le maquis très jeunes et n’ont jamais connu que la guerre. Habitués à vivre de rapines, ils considèrent leur kalachnikov comme leur « gagne-pain ». En face, les soldats, qui ont pour consigne de ne pas réagir aux provocations, rongent leur frein. À la fin du mois de septembre, l’assassinat de l’un d’eux par un milicien avait fait monter la tension d’un cran. La fusillade de Mindouli ne remet pas en question un processus de paix auquel tous les protagonistes restent attachés (Ntoumi a d’ailleurs condamné le comportement des Ninjas impliqués dans l’incident du 15 octobre). Mais elle souligne l’urgence de la collecte des armes légères dans le Pool.

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