Une voiture à 1 800 euros, sinon rien

Renault avait donné le ton avec la Logan, vendue à partir de 5 500 euros. Depuis, presque tous les constructeurs songent à lui emboîter le pas, à commencer par l’indien Tata, qui annonce pour janvier 2008 un modèle à moins de 2 000 euros !

Publié le 27 août 2007 Lecture : 5 minutes.

A l’époque, il y a dix ans déjà, l’état-major de Renault pressait Louis Schweitzer de ressusciter Alpine pour lancer une marque haut de gamme. Mais le patron de Renault, qui ne venait pas du sérail, avait pointé une anomalie sur la carte mondiale de l’automobile : 20 % de la population se partageait 80 % de la production annuelle. Ce qui ne laissait pas grand-chose aux autres Les pays industrialisés étaient pourtant matures : fort taux d’équipement (580 voitures pour 1 000 habitants en France), faible progression démographique. La croissance ne pouvait donc venir que du reste de la planète. À condition de lui proposer une voiture adaptée aux ressources financières et aux besoins de sa population.
Ainsi, sur une intuition, est née la Dacia Logan low-cost. Une décennie plus tard, les constructeurs se bousculent au portillon. Longtemps, ils n’ont cru qu’en une stratégie : le « toujours plus ». Des voitures toujours plus grandes, plus équipées, plus puissantes, et par conséquent toujours plus chères. Désormais, ils prêchent la cause d’une voiture à bas prix avec la rage des convertis de la dernière heure. Car le gisement entrevu par Schweitzer n’était pas un mirage.
La Logan a été lancée en octobre 2004 : 450 000 unités vendues à la fin de 2006. Et un objectif de 900 000 exemplaires en 2009, une fois que les trois nouvelles usines ouvertes cette année (Inde, Iran, Brésil) tourneront à pleine cadence. Le potentiel du low-cost est énorme. Mais Renault, parti le premier, ne restera pas seul en piste. Il convient toutefois de se méfier des effets d’annonce, destinés à rassurer les milieux boursiers. Quand Peugeot déclare réfléchir à une voiture encore moins chère que la 107 (3,43 m, 8 500 euros) fabriquée en République tchèque en collaboration avec Toyota, ça ne veut strictement rien dire. Sauf que le constructeur français n’aura rien en magasin avant au bas mot cinq ans Volkswagen évoque une low-cost basée sur une Polo, Chrysler un modèle construit en Chine par son partenaire local Chery. General Motors une Chevrolet Spark, dérivée de la Daewoo Matiz (3,50 m). Mais ces projets restent flous : aucune définition précise, ni date ou prix.

Toyota est plus sérieux. D’abord, son président, Katsuaki Watanabe, a fait acte de contrition : « Une voiture à bas prix, donc de conception basique, semblait contraire à notre doctrine : l’amélioration permanente. Mais nous sommes maintenant persuadés que la demande de véhicules low-cost va croître, tant dans les pays émergents que dans les pays développés. » Ensuite, Toyota a dévoilé son plan : une berline d’environ 4,25 m et un petit utilitaire du genre Renault Kangoo, en 2010, pour environ 6 000 euros
Pour l’heure, la Logan (4,25 m, premier prix évoluant de 5 500 à 7 500 euros selon les pays et l’équipement) ne voit poindre qu’une véritable rivale : Fiat a annoncé une version économique de l’Albea, berline de 4,19 m produite en Turquie, qui sera vendue moins de 9 000 euros. Elles ne boxeront toutefois pas dans la même catégorie : l’Albea est une variation de la Palio, lancée en 1997. Fiat a diffusé 350 000 Palio en dix ans Tandis que la Logan, assemblée dans sept pays dont le Maroc, connaît déjà deux dérivés (break traditionnel à flancs tôlés, break 7 places). Un pick-up est prévu pour 2008. Puis une Logan génération II en 2009.
Ainsi va l’automobile, industrie lourde : quand une marque crée un nouveau segment, elle garde longtemps son avance.

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Le constructeur indien Tata a cependant lancé en 2003 un énorme pavé dans la mare en annonçant une voiture à 100 000 roupies. Autrement dit, 1 800 euros. La construction de la nouvelle usine a pris un an de retard, le cours de l’acier a flambé. Mais Tata maintient son objectif : cette voiture à très bas prix devrait être dévoilée en janvier prochain lors du salon de New Delhi, et commercialisée au deuxième trimestre 2008. Le délai paraît court. D’habitude, à moins d’un an du lancement d’une voiture, le secret n’est pas si bien gardé : des photos et informations techniques sont publiées dans les journaux. Là, rien.
Ce qui alimente un certain scepticisme. Non pas sur la réalité du projet, car Tata est un géant de l’industrie. Mais sur la définition de ce modèle à 1 800 euros : une moto à quatre roues et toit en toile ? Ravi Kant, directeur de Tata Auto, affirme le contraire : « Nous proposerons une vraie voiture, déclinée sous plusieurs carrosseries. En la voyant, les gens auront envie de l’acheter. »
Une certitude, avec un moteur 600 cc de 33 chevaux, cette Tata ne sera pas une grande berline comme la Logan. Plutôt une citadine de moins de 3,50 m, comme la Maruti 800, reine du marché indien et dont les tarifs démarrent à 4 000 euros. Elle ne répondra donc pas aux besoins d’une famille nombreuse. Son public est ailleurs : 80 millions d’Indiens roulent en ?rickshaw, motos améliorées et vaguement carénées. Cette Tata à 1 800 euros colle à la réalité de l’Inde, de certains marchés émergents, mais pas aux goûts des pays développés. Autre différence avec la Logan, à ce tarif, elle ne sera pas conforme aux règlements européens en matière de sécurité et de pollution. Des règlements qui, par parenthèse, ressemblent à des barrières douanières déguisées.
Mais sans doute y a-t-il place pour un véhicule en dessous de la Logan, tant par la taille que par le prix. Carlos Ghosn, successeur de Louis Schweitzer à la tête de Renault, en est à ce point persuadé qu’il parle maintenant d’une Dacia à 2 250 euros. Un sujet qu’il a évoqué pour la première fois en avril dernier, lors du lancement de la Logan sur les terres de Tata, où elle vaut plus de 7 400 euros. Pour assembler la Logan en Inde, Renault s’est associé avec Mahindra, quatrième constructeur du pays. Mais Ghosn voit plus loin : « L’Inde n’est pas seulement un marché pour Renault. C’est aussi un pays où nous venons apprendre la frugalité. Les constructeurs traditionnels ne savent pas construire une voiture à 2 250 euros destinée aux pays émergents. Ce savoir-faire, nous allons le chercher là où il est : en Inde. » Fin juillet, le groupe français et Bajaj, numéro deux indien des motos, annonçaient qu’ils menaient « des discussions préliminaires » en vue de développer une voiture très bon marché.
Renault avait déjà créé en Roumanie un deuxième « Technocentre » (bureau d’études dans la terminologie maison), chargé exclusivement du projet Logan. Un troisième Technocentre sera basé en Inde, et ses 1 000 ingénieurs se consacreront au projet « 2 250 euros ». « Peut-être le tarif sera moindre, poursuit Carlos Ghosn. L’annonce de Tata a provoqué en nous une prise de conscience. Quand des gens aussi sérieux promettent une voiture à 1 800 euros, il est logique que nous demandions à nos ingénieurs de penser à une voiture du même prix. »

Tout semble donc indiquer que l’Inde, davantage que la Chine ou l’Europe de l’Est, sera la future plate-forme mondiale d’assemblage des voitures low-cost. Ce pays cumule en effet les atouts : tradition automobile, équipementiers locaux, grands ports, vaste marché intérieur (1,1 milliard d’habitants), faibles coûts salariaux, administration moins complexe qu’en Chine. C’est d’ailleurs en Inde que Toyota envisage de construire sa prochaine voiture à très bas prix.

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