Un appétit d’ogre
La boulimie des « fonds étrangers » (Sovereign Wealth Funds) commence à susciter des inquiétudes aux États-Unis et en Allemagne. Coup sur coup, le cabinet de consultant Morgan Stanley et l’Institut Peterson ont publié, début août, des rapports alarmants sur l’évolution et le comportement de ces « fonds » gérés par les riches pays pétroliers. Le gouvernement allemand les a inscrits à l’ordre du jour de son « séminaire de réflexion », les 23 et 24 août, au château de Meseberg, près de Berlin. Objectif : identifier des moyens de contrôle de ces nouveaux « ogres » de la finance internationale. Problème : comment y parvenir quand on prône dans le même temps le libéralisme et la mondialisation des échanges ?
Qu’ils soient russes, asiatiques ou arabes, les investisseurs publics ont un appétit sans limite : immobilier, chaînes de supermarchés, groupes industriels, hôtels, musées, casinos et même des Bourses. En ce mois d’août, c’est l’émirat de Dubaï qui mène la danse. Après avoir acheté en juillet – via Dubai International Capital – 3,12 % du groupe aéronautique européen EADS, qui fabrique notamment des Airbus, Dubai Borse a lancé, le 10 août, une OPA sur la Bourse suédoise OMX (pour 4 milliards de dollars). Suivi, le 22 août, par Dubai World, qui a annoncé sa décision d’investir 5,1 milliards de dollars dans le groupe MGM Mirage (hôtels et casinos de Las Vegas).
Ce sont surtout les fonds du Golfe et de Russie qui inquiètent le plus les Allemands et les Américains, qui souhaitent que l’Union européenne et le FMI mettent en place des mécanismes de contrôle afin d’éviter que l’argent ainsi investi ne serve à des « fins politiques » ou spéculatives, risquant au passage de déstabiliser le marché financier international. L’Institut Peterson a identifié une vingtaine de « fonds souverains » gérant des actifs de 2 500 milliards de dollars, dont les plus importants appartiennent aux Émirats arabes unis (875 milliards de dollars, dont 500 milliards pour la seule Abou Dhabi Invesment Authority). Selon Morgan Stanley, ces actifs transfrontaliers pourraient atteindre 5 000 milliards de dollars en 2010 et 12 000 milliards en 2015. C’est beaucoup au regard des flux d’investissements directs étrangers dans les pays en développement (200 à 300 milliards de dollars par an), mais c’est très peu comparé à la valeur des entreprises cotées sur l’ensemble des Bourses dans le monde (50 000 milliards de dollars).
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