[Édito] Nigeria : vivement 2023 !

Géant économique et démographique, le Nigeria peine à se réformer et à exploiter son potentiel. La faute à une classe politique qui n’arrive pas à se renouveler, laissant se profiler un duel peu enthousiasmant pour l’élection présidentielle du printemps prochain.

Muhammadu Buhari, en mai 2015. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Muhammadu Buhari, en mai 2015. © Sunday Alamba/AP/SIPA

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Publié le 18 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Pays le plus peuplé (plus de 190 millions d’habitants) et première économie du continent, le Nigeria est un bien étrange colosse. Un potentiel inouï, symbolisé par l’enivrante Lagos, capitale économique en perpétuelle ébullition et véritable laboratoire à ciel ouvert de l’Afrique urbaine de demain. Dans tous les domaines.

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Mais c’est aussi une nation très inégalitaire, où la pauvreté, voire l’indigence, concerne le plus grand nombre, mais où les fortunes les plus folles se construisent en un tournemain. Ce géant suscite bien des interrogations, tant son avenir semble peu lisible. Dans l’immédiat, force est de reconnaître que, sa puissance économique et démographique étant ce qu’elle est, il ne joue qu’un rôle mineur sur la scène continentale, bien loin de son rayonnement des années 1970.

Pas de renouvellement en vue

Au sein de l’Union africaine (zone de libre-échange africaine) comme de la Cedeao (adhésion du Maroc), le Nigeria se signale par son inertie et sa défense acharnée du statu quo. Jamais il ne joue le rôle moteur qui devrait être le sien. Jamais il ne se soucie d’entraîner d’autres pays dans son sillage pour faire aboutir des sujets d’importance. Nollywood, ses stars de la musique, ses artistes et ses businessmen font bien plus pour son image que ses dirigeants politiques, quels qu’ils soient. Triste constat.

Muhammadu Buhari, 75 ans, affrontera Atiku Abubakar, 71 ans. Pour rappel, 70 % de la population a moins de 35 ans

Aux mois de février et mars prochains, les Nigérians éliront justement leur président, mais aussi leurs gouverneurs et leurs députés. Pour la présidentielle, le temps du renouvellement générationnel et du changement n’est visiblement pas à l’ordre du jour. Le chef de l’État sortant, Muhammadu Buhari, 75 ans et une santé chancelante, y affrontera Atiku Abubakar, 71 ans. Pour rappel, 70 % de la population a moins de 35 ans. Dire que ces deux candidats sont des familiers de la scène électorale est un euphémisme : le premier est de tous les scrutins depuis 2003, le second depuis 1999. En conclure que ce duel entre musulmans du Nord n’a rien pour enthousiasmer les électeurs relève de l’évidence.

Le dessous des cartes

Élu en 2015 face à Goodluck Jonathan, le président sortant – une première qui avait ravi les observateurs – , l’intègre Buhari (qui avait déjà dirigé le pays de 1983 à 1985) a largement déçu. À l’époque, il rassurait ses concitoyens après les errances de son prédécesseur. Il avait promis d’assainir et de relancer l’économie, de mettre fin à la corruption et de rétablir la sécurité. Aucune de ces promesses n’a été tenue. La déception est donc à la hauteur des attentes et de l’euphorie suscitées par sa victoire.

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Son rival, l’ancien vice-prési­dent d’Olusegun Obasanjo, est un ex-contrôleur général des douanes – poste qui, selon les mauvaises langues, serait à l’origine de sa considérable fortune. Il est tout sauf un réformateur flamboyant capable de faire rêver les Nigérians et de rénover le pays. C’est un politicien madré à la réputation sulfureuse (en 2010, son nom fut cité dans un rapport du Sénat américain sur le blanchiment d’argent), même si aucune des nombreuses accusations de corruption ou de conflit d’intérêts dont il a été l’objet n’a jamais été prouvée et n’a donc donné lieu à des poursuites judiciaires.

Le plus intéressant n’est pas la personnalité des deux candidats, mais l’identité de ceux qui briguent la vice-présidence

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Finalement, le plus intéressant dans cette élection n’est pas la personnalité des deux candidats, ni même les facteurs qui détermineront l’issue de leur affrontement, mais… l’identité de ceux qui briguent la vice-présidence : Yemi Osinbajo, pour Buhari ; Peter Obi pour Abubakar.

Osinbajo, 61 ans, n’a aucun mal à apparaître plus moderne que son « patron ». Cet ancien ministre de la Justice de l’État de Lagos l’a d’ailleurs « remplacé », avec succès, pendant la très longue hospitalisation de celui-ci au Royaume-Uni. Obi, 57 ans, jouit lui aussi d’une réputation flatteuse. L’un et l’autre sont chrétiens et originaires du sud du pays (une règle tacite prévoit l’alternance de candidats issus du Nord musulman et du Sud chrétien tous les deux mandats). Ils incarnent l’avenir politique proche. Se retrouveront-ils face à face, en première ligne cette fois, en 2023 ? C’est probable. En attendant, il faudra se contenter de leurs aînés. La patience, dit-on, est l’art d’espérer.

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