Trou d’air économique

En raison de la faible progression du PIB au deuxième trimestre, l’objectif d’une croissance à 2,25 % pour 2007 paraît hors de portée.

Publié le 27 août 2007 Lecture : 4 minutes.

Le président de la République ne sait trop comment s’y prendre pour tirer la France de sa torpeur économique. L’Insee vient de confirmer que son rythme annuel de croissance se traîne à 1,2 %, contre 3,4 % aux États-Unis, pourtant en crise, et plus de 5 % dans le monde entier. Pour l’ancien candidat, qui prétendait qu’il lui suffisait de tenir ses promesses électorales pour rétablir la confiance et regagner un point de croissance, le trou d’air constaté au deuxième trimestre (0,3 % au lieu du 0,6 % attendu) place hors de portée les 2,25 % espérés pour l’année 2007 tout entière.
Les problèmes sociétaux ou politiques ne résistent pas à Nicolas Sarkozy : il a magistralement récupéré le viol du petit Enis et a déstabilisé de belle façon le Parti socialiste en enrôlant certains de ses membres dans son gouvernement ou au FMI. En revanche, avec l’économie, la prestidigitation et les mots ne suffisent plus, car les chiffres sont têtus, et les phénomènes complexes.

Sur les trois moteurs qui tirent une économie, deux sont en panne : l’investissement des entreprises, qui ne progresse pas, et le déficit du commerce extérieur, qui pourrait dépasser 30 milliards d’euros en 2007. Il n’y a que la consommation qui se porte comme un charme. Le gouvernement fait valoir qu’il a hérité cette situation médiocre et que le printemps électoral n’a pas été propice aux décisions des acteurs économiques. Si on écoute Christine Lagarde, ministre de l’Économie et des Finances, ou même François Fillon, le Premier ministre, on comprend qu’ils ont choisi la méthode Coué pour éviter que s’installe une crise de confiance. Crise des prêts immobiliers américains ou pas, ils répètent sur les ondes ou dans les entretiens à la presse écrite que les fondamentaux sont bons, « que la crise est derrière nous », que les lois votées en matière de bouclier fiscal et d’augmentation des heures supplémentaires ne peuvent faire sentir leurs effets bénéfiques tout de suite, que le moral des patrons est excellent, et le soutien des Français sans faille.
Si tel était le cas, pourquoi avoir réuni toutes affaires cessantes à l’Élysée, le matin du 20 août, un petit conseil de guerre économique qui a débouché sur des mesures adoptées en Conseil des ministres, vendredi 24, afin de corriger « l’insuffisance de compétitivité des entreprises françaises » et « doper » l’investissement ?
En fait, dans les dispositions adoptées, figure d’abord l’extension du crédit d’impôt accordé aux ménages sur les intérêts de leurs emprunts immobiliers, après que le Conseil constitutionnel a refusé que cette promesse soit rétroactive, comme le souhaitait le président. Il s’agit aussi, a déclaré François Fillon dans un entretien au Monde daté du 22 août, de simplifier et d’élargir le crédit d’impôt-recherche qui permettra aux entreprises, notamment petites et moyennes, de récupérer une plus grande partie de leurs dépenses de recherche-développement. On y a rajouté la création du statut de « jeune entreprise universitaire », correspondant à la promesse du candidat Sarkozy d’exonérer d’impôt pendant cinq ans « les étudiants qui créeront une entreprise sur leur campus ».
Pour le reste, le gouvernement attend d’ici à la fin de l’année le rapport de Jacques Attali sur les moyens de lever les obstacles qui engourdissent la croissance de la France. Il fait pression sur la Banque centrale européenne pour qu’elle n’augmente pas, le 6 septembre, ses taux directeurs. C’est tout et c’est court. Tous les experts parisiens ou presque expriment leur déception par rapport à un président qui a prétendu agir sur l’offre des entreprises grâce à la restauration de la valeur travail, mais qui a surtout favorisé une demande déjà en pleine forme avec ses premières mesures fiscales. Ils regrettent le laxisme d’un président qui a promis à Bruxelles qu’il rééquilibrerait les comptes publics avec un peu de retard, mais qui ouvre le robinet des dépenses (plus de 11 milliards d’euros de cadeaux fiscaux), alors que la conjoncture faiblit.

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Pour se tirer de cette mauvaise passe, on entend reparler de la création de la « TVA sociale », qui consisterait en une augmentation de quelques points de la taxe sur la valeur ajoutée, pour baisser en contrepartie les cotisations sociales des entreprises. Éric Besson, secrétaire d’État à la Prospective économique, remettra dans les prochains jours son rapport sur les avantages et les inconvénients d’un tel transfert sur les consommateurs de ce fardeau fiscal. L’idée a germé d’expérimenter cette nouvelle TVA dans l’habillement et les produits de luxe.
Qu’en pensera Bruxelles ? Comment réagiront les Français, qui ont déjà lancé un avertissement à la majorité aux législatives à cause du projet de TVA sociale, qui ne leur plaît guère ? Il est décidément plus facile au président de pratiquer la compassion médiatique à propos du naufrage du chalutier Sokalique, causé par un « voyou des mers », que de provoquer son fameux « choc de confiance » économique !

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