Petits trafics en tout genre

Publié le 27 août 2007 Lecture : 4 minutes.

Postés le long des principales routes reliant le Sénégal aux États frontaliers, policiers, gendarmes et douaniers sont plus que jamais sur leurs gardes. Et guettent presque en permanence le moindre signe qui trahirait la présence de drogue dans un véhicule. Une grosse valise montée sur roulettes et attachée sur le toit d’un taxi-brousse, par exemple, paraîtra suspecte aux forces de l’ordre, qui procéderont alors au contrôle d’identité du chauffeur et des passagers. Si l’une des personnes interpellées possède un passeport présentant de nombreux tampons d’entrée et de sortie d’un ou de plusieurs pays de la sous-région, nul doute qu’il fera l’objet d’une fouille minutieuse ou d’une discrète filature jusqu’à sa destination supposée.
Car si les saisies records de cocaïne effectuées depuis le début de l’année au Sénégal, en Mauritanie, au Cap-Vert et en Guinée-Bissau ont fait la une de tous les journaux de la région, les petits business, moins médiatisés, auxquels s’adonnent de nombreux passeurs continuent de faire florès dans le pays de la Téranga (« hospitalité », en wolof). Selon les acteurs de la lutte contre le trafic de drogues, de plus en plus d’étrangers empruntent des véhicules de transport en commun immatriculés au Sénégal pour circuler dans le pays et faire passer quelques kilos de cocaïne destinés aux marchés occidentaux.

Traque aux « mules »
Mais la chasse aux trafiquants – petits et gros – est loin d’être facile. Avant d’arriver à sa destination finale, la marchandise change plusieurs fois de mains, pour mieux brouiller les pistes. Et le profil type du passeur reste difficile à déterminer. Les enquêteurs disposent cependant d’informateurs, quand ils ne s’en remettent pas tout simplement à des signes a priori anodins À l’aéroport international de Dakar, les autorités surveillent de près les allées et venues de certains voyageurs étrangers. « Nous faisons très attention à la durée de leur séjour au Sénégal ainsi qu’à leur provenance, explique un agent spécialisé dans la lutte contre la drogue. Nous tâchons de vérifier s’ils sont passés par des pays d’embarquement suspects comme l’Afrique du Sud, le Ghana, le Nigeria, la Guinée-Bissau, la Guinée-Conakry, le Cap-Vert et la Gambie. » Depuis 2005, le Bénin et le Togo figurent également sur la liste des États africains « de départ des itinéraires de la drogue ». Ces contrôles accrus ont permis d’arrêter à l’aéroport de Dakar de nombreuses « mules », ces passeurs chargés de transporter de la drogue ne leur appartenant pas. Ils la portent scotchée autour du buste, des cuisses ou des mollets. Certains n’hésitent même pas à avaler des « boulettes » de coke emballées dans du plastique
Dans le reste du pays, entre mai 2006 et juin 2007, dix-sept « mules » ont été interpellées par les éléments de la subdivision douanière de Tambacounda, ville carrefour du Sénégal oriental. Huit d’entre elles étaient en possession de cocaïne (13,6 kg au total). À quelques kilomètres du pont de Gouloumbou, dans le sud du pays, les agents du poste de Guénoto effectuent en moyenne deux à trois saisies de drogue par mois. Il s’agit le plus souvent de petites quantités – entre 4 et 5 kg – soupçonnées de provenir d’entrepôts des deux Guinées voisines (Conakry et Bissau). Les marchés hebdomadaires, notamment celui de Diaobé, à mi-chemin entre ces deux pays et la Gambie, sont également considérés comme des hauts lieux du trafic de stupéfiants. Tous les mercredis, des milliers de personnes en provenance de toute la sous-région et de la Mauritanie se retrouvent dans cette localité, officiellement pour échanger des produits du cru. Cependant, selon des sources concordantes, il semblerait que derrière le commerce du bétail, des fruits et légumes se cache un tout autre business qui attire toujours plus de monde.

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Une tâche confiée même aux femmes
En mars 2007, cinq femmes qui avaient dissimulé 49 kg de cocaïne sous leurs vêtements ont été arrêtées à la gare routière de Faramana au Burkina Faso, près de la frontière malienne. Leurs allées et venues entre les différents marchés de la sous-région avaient attiré l’attention des forces de sécurité. Les femmes, d’ordinaire moins suspectées que les hommes de s’adonner à des activités illicites, seraient de plus en plus impliquées dans le narcotrafic. Tout comme les candidats à l’émigration clandestine. Désireux de se faire un peu d’argent liquide en arrivant en Europe, ces petits convoyeurs agissent de leur propre chef. Rien ne prouve à l’heure actuelle qu’ils appartiennent à des réseaux organisés.
Quoi qu’il en soit, la fréquence des arrestations de passeurs sénégalais, maliens, burkinabè, bissauguinéens, nigérians, camerounais, béninois loin des capitales, des grands aéroports et des zones côtières inquiète de plus en plus les autorités de certains pays de la sous-région qui se disent prêtes à revoir leur politique en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Le Sénégal prévoit de renforcer la collaboration avec les armées, polices, gendarmeries et douanes des États frontaliers. En juin et juillet, le ministre bissauguinéen de l’Intérieur, Baciro Dabo, a rencontré à deux reprises son homologue sénégalais, Me Ousmane Ngom, pour évoquer la question. Dakar souhaiterait que la Guinée-Bissau intègre rapidement l’Organisation mondiale des douanes (OMD), afin de renforcer les capacités du réseau d’information de lutte contre la fraude (CEN, Customs Enforcement Network). La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a, quant à elle, fait savoir que la lutte contre le trafic de drogue sera à l’ordre du jour de son prochain sommet.

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