Madagascar – Rajoelina et Ravalomanana qualifiés pour le second tour : les leçons du scrutin

Dix ans après leur duel hors des urnes, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se retrouveront de nouveau face à face, cette fois-ci pour le second tour de l’élection présidentielle malgache. Après l’annonce des résultats de la première manche, samedi 17 novembre par la Ceni, retour sur les principaux enseignements du scrutin.

Andry Rajoelina a été élu président de la République de Madagascar selon les résultats provisoires de la Ceni. © Kabir Dhanji/AP/SIPA

Andry Rajoelina a été élu président de la République de Madagascar selon les résultats provisoires de la Ceni. © Kabir Dhanji/AP/SIPA

Publié le 17 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Palais d’Iavoloha, Madagascar © Vzdalujicisekroky , CC BY-SA 3.0
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Présidentielle à Madagascar : la bataille des ex

Le scrutin présidentiel, dont le premier tour se déroule le 7 novembre, doit permettre d’enfin tourner la page de la crise ouverte en 2009. 36 candidats – dont les trois derniers chefs de l’État – s’y affrontent, dans une ambiance tendue.

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Presque une décennie plus tard, le duel se reproduira entre les deux anciens présidents malgaches Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina. En 2009, le premier avait perdu le pouvoir au profit du second, mais sans passer par les urnes.

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Samedi 17 novembre, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a proclamé les résultats provisoires de l’élection présidentielle. Dans leur annexe de Nanisana, dans le nord d’Antananarivo, les commissaires ont donné en tête Andry Rajoelina, avec 39,19%, talonné par Marc Ravalomanana, crédité de 35,29% des voix. Quant au président sortant, Hery Rajaonarimampianina, il échoue en troisième position (8,84%).

Seuls six des 36 candidats dépassent les 1%. Le quatrième, André Christian Dieudonné Mailhol dit Pasteur, plafonne à 1,27%. Le chanteur Dama, du célèbre groupe malgache Mahaleo, reste à 0,33%, tandis que l’ancien président Didier Ratsiraka, surnommé l’Amiral rouge, ne dépasse pas les 0,45%.

Le centre pour Ravalomanana, la côte pour Rajoelina

Selon les tendances régionales du 15 novembre, alors que 80% des bureaux de vote étaient dépouillés, le centre de l’île tombe globalement dans l’escarcelle de Marc Ravalomanana. Les régions côtières, plus nombreuses mais chacune moins peuplée, reviennent au candidat Andry Rajoelina. Quant à « Hery », il réalise son meilleur score (40%) dans la région Sava (nord-est) – la seule qu’il remporte sur 22.

Cette répartition suit, peu ou prou, celle du second tour de la présidentielle de 2013, entre Hery Rajaonarimampianina et Jean-Louis Robinson, respectivement soutenus par Andry Rajoelina
et Marc Ravalomanana. À l’époque, les deux ténors de 2018 n’avaient pas été autorisés à se présenter.

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« Désintérêt pour la politique »

Cette année, le taux de participation atteint 54,32%. Un chiffre tout juste au-dessus de celui du second tour de 2013 (50,72%), mais inférieur à celui du premier tour, où 61,56% des électeurs s’étaient déplacés. Cette baisse s’inscrit dans une tendance de long terme à Madagascar. En 1992, la participation atteignait par exemple 74%. Mais, plus important, le rapport du nombre de votants par rapport à la population n’a cessé de baisser depuis 1992, partant de 37,7% pour atteindre 17,03% en 2013.

En choisissant le même duel qu’en 2009, les citoyens malgaches ont décidé de faire revenir le pays dix ans en arrière

« Ces chiffres marquent un désintérêt de la population pour la politique malgache », commente Toavina Ralambomahay, auteur de Madagascar dans une crise interminable (L’Harmattan, 2011). Mais plus que du désintérêt, le journaliste et juriste parle aussi d’une « effarante léthargie collective ». « En choisissant le même duel qu’en 2009, les citoyens malgaches ont décidé de faire revenir le pays dix ans en arrière, poursuit-il. Il n’y a pas d’alternative aujourd’hui. On se retrouve avec les anciens qui ont déjà divisé le pays. »

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L’homme ne se dit pas pour autant surpris. « Ma génération n’a pas préparé autre chose. En cinq ou dix ans, nous n’avons pas construit de véritable opposition ». Car selon lui, malgré les joutes politiques, parfois violentes, « tous les candidats ont le même programme. Ils veulent tous faire des routes, des hôpitaux, des aéroports, des ports… Comme n’importe quel gouvernement. Mais c’est vide d’idéologie et de projet de société. »

Une possible « annulation » ?

Les résultats de la Ceni tombent après une série de contestations contre le processus électoral et contre l’institution elle-même. Les attaques ont débuté en même temps que la campagne, et se sont intensifiées après le scrutin du 7 novembre. Dès début octobre, « Conférence souveraine », un collectif d’une vingtaine de candidats, affirmaient que les élections subiraient des « fraudes massives », demandant un « assainissement », et donc un report.

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Aujourd’hui, ils évoquent une possible « annulation » du scrutin si les autorités ne parviennent pas à régler les anomalies électorales. « Si les tensions entre les Malgaches deviennent trop fortes, il vaut mieux annuler », renchérit Max Fabien Andrianirina, coordinateur de ce mouvement créé le 25 octobre.

Le camp de « Hery » s’est ouvertement rapproché d’eux. Mercredi 14 novembre, des responsables des deux parties se sont retrouvés dans le gymnase couvert d’Akorondrano, en bordure de la capitale, pour un meeting. À la tribune, de simples citoyens ont raconté les fraudes dont ils disent avoir été témoins.

Ravalomanana va déposer des « requêtes »

Cette semaine, le camp d’Andry Rajoelina a aussi dénoncé de nombreuses anomalies, mais a concentré sa critique sur le traitement informatique des résultats, pas sur le déroulement des opérations de vote. Les observateurs du candidat au siège de la Ceni se sont retirés mardi 13 novembre, dénonçant un manque de transparence et affirmant qu’il était « difficile de se fier aux résultats provisoires publiés par la CENI ». Samedi, le candidat arrivé en tête a tweeté : « Je soutiens la vraie démocratie et regrette que le traitement des résultats par la CENI n’ait pas été transparent. Cela ne nous empêchera [pas de gagner]. »

https://twitter.com/SE_Rajoelina/status/1063854538527002624

Quant aux équipes de Marc Ravalomanana, après avoir accusé la Ceni d’avoir touché de l’argent, elle ont annoncé qu’elles allaient engager des recours. « Nous allons déposer des requêtes auprès de la Haute Cour constitutionnelle. En attendant, nous nous engageons dans le deuxième tour avec espoir », a déclaré Rabenja Tsehenoarisoa, directeur de campagne de Marc Ravalomanana, à l’issue de la proclamation des résultats.

Tous les regards sont braqués sur les « sages », qui disposent de neuf jours pour proclamer les résultats définitifs

C’est la Haute Cour constitutionnelle qui traitera les contentieux électoraux. Tous les regards sont donc désormais braqués sur les « sages ». À partir d’aujourd’hui, ils disposent d’un délai de neuf jours pour proclamer les résultats définitifs. Leurs équipes ont commencé depuis samedi 10 novembre à vérifier, jour et nuit, l’ensemble des 24 582 procès-verbaux. S’ils confirment les chiffres provisoires de la Ceni, le second tour aura lieu le 19 décembre.

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