Le rêve de Martin Luther King
« Je vous le dis, aujourd’hui, mes amis, malgré les difficultés du présent et de demain, je fais tout de même un rêve. Un rêve profondément enraciné dans le rêve américain. Je fais le rêve qu’un jour ce pays se réveillera et se conformera au véritable sens de son credo : que tous les hommes ont été créés égaux. Je fais le rêve qu’un jour, sur les collines rouges de la Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. [] Je fais le rêve que mes quatre enfants vivront un jour dans un pays où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur leur valeur. »
C’était le 28 août 1963, sur le « Mall » de Washington, pour la Marche de la liberté, qui célébrait le centième anniversaire de l’abolition de l’esclavage par le président Abraham Lincoln. Du haut du Mémorial Lincoln, le révérend Martin Luther King s’adressait à une foule de 250 000 personnes. Ce discours de 16 minutes et 38 secondes lui valut d’être, cette année-là, choisi comme homme de l’année par l’hebdomadaire Time avant d’être, en 1964, la personnalité la plus jeune à recevoir le prix Nobel de la paix.
Mais un siècle après « l’Émancipation », la ségrégation régnait encore dans le Sud et les affrontements raciaux se multipliaient. King, né le 15 janvier 1929 à Atlanta, en Géorgie, s’était fait connaître en 1955 en inventant une nouvelle arme de lutte : le boycottage. À Montgomery, dans l’Alabama, une jeune femme noire (on ne disait pas encore « africaine-américaine ») avait été chassée de la portion d’un autobus réservée aux Blancs. King persuada la population noire de fuir ce bus. Trois cent quatre-vingt-cinq jours plus tard, la compagnie, au bord de la faillite, céda. La cloison fut abolie.
Le même mélange de résistance passive et de menace de violence permit dans le Sud profond une déségrégation des établissements scolaires, des hôtels, des piscines Mais au plan national, cette violence pouvait se déchaîner à tout moment. Quelques semaines avant la Marche pour la liberté, le 22 juin, le responsable pour le Mississippi de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), Medgar Evers, était assassiné. On lui fit des funérailles solennelles au cimetière national d’Arlington, près de Washington, mais dans sa ville de Jackson, la police dispersera une manifestation de soutien à coups de matraques et de gaz lacrymogènes.
Malgré la signature par le président Lyndon Johnson, le 6 août 1965, de la loi sur le droit de vote des Noirs, éclataient cinq jours plus tard dans le quartier de Watts, à Los Angeles, les plus sanglantes émeutes raciales qu’aient connues les États-Unis : 34 morts, 856 blessés. Nouvelles émeutes raciales en 1967 à Newark, dans le New Jersey – 25 morts – et à Detroit, dans le Michigan – 43 morts
L’élection d’un Noir, Edward Brooke, au Sénat, le 8 septembre 1967, pour la première fois depuis la guerre de Sécession, et la première nomination d’un Noir, Thurgood Marshall, à la Cour suprême, le 14 juin, par le président Johnson ne changeaient rien à la pression dans les ghettos : chômage, manque d’éducation, de logements convenables, méfiance et hostilité de la police – 40 % de la population non blanche y vivait en dessous du seuil de pauvreté.
Visionnaire mais conscient qu’il ne pouvait en quelques mois créer un vaste mouvement, le pasteur King multipliait les démarches sur le terrain. Mais le rêve tourne au cauchemar. Le 4 avril 1968, il est venu à Memphis, dans le Tennessee, apporter son soutien à une grève des éboueurs. À 18 h 01, alors qu’il prend le frais sur le balcon du Lorraine Motel, un forçat évadé, James Earl Ray, l’abat d’une balle dans la tête. Ray sera condamné à quatre-vingt-dix-neuf années de prison le 10 mars 1969.
Depuis 2000, on célèbre tous les ans aux États-Unis, le 17 janvier, le Martin Luther King Day. Et un Africain-Américain, Barack Obama, fait aujourd’hui campagne pour être candidat à la Maison Blanche.
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