La fuite en avant tactique de Nicolas Sarkozy

Kangni Alem est romancier, dramaturge et metteur en scène. Il a reçu, en 2003, le Grand Prix littéraire d’Afrique noire pour Cola cola jazz.

Publié le 27 août 2007 Lecture : 2 minutes.

Le discours prononcé en juillet, à Dakar, par le président français Nicolas Sarkozy semble avoir déplu fortement à la majorité des Africains, intellectuels, politiques et simples citoyens itou. À la grande satisfaction, j’en suis certain, de l’intéressé et de ses conseillers, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. Jouer la carte de la provocation, sous prétexte de rupture, laquelle reste à démontrer. Tout le contenu du discours n’est qu’un condensé de clichés faciles, dont le plus paresseux reste celui qui décrit les paysans africains comme des contemplatifs, ce qui a obligé le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, à réagir. Même au temps de l’esclavage dans les Amériques, personne n’a osé traiter les agriculteurs africains de flemmards stupides et intuitifs, voilà pourquoi, me semble-t-il, cet homme avait une idée en tête en ruant dans les brancards de la sorte.
Et de fait, il est aisé d’imaginer le sens de tout cela. La politique africaine de la France est la plus rétrograde et la moins inventive de tous les temps, même au temps de la colonisation « positive » : un pont et la chicotte ? Vétille. La méconnaissance du continent par l’équipe Sarkozy saute aux yeux, par exemple quand il tresse des éloges à Omar Bongo, un jour après son discours de Dakar, sur la qualité de sa gestion de la forêt tropicale du Gabon. Il est donc clair que Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir sans aucun projet novateur pour ce continent méconnu. Et pour se dédouaner d’avance d’un échec de « sa » politique de « rupture », il n’a rien trouvé d’autre que de trouver des arguments par anticipation : « Voyez-vous, ils n’aiment pas qu’on leur dise la vérité, alors que voulez-vous faire avec des gens pareils ? Surtout leurs paysans, même pas mondialisés ! »
Il est vraiment temps que l’Afrique francophone ignore définitivement la France, moins pour sa dignité que pour son épanouissement intellectuel et économique ! Et que jamais personne ne demande à M. Sarkozy, dans cinq ou dix ans, comme à M. Blair, le bilan de sa politique africaine.

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