Eh bien, chantez maintenant !
Sur fond de sortie de crise, le Marché des arts et du spectacle africain s’est déroulé avec succès, en brandissant le drapeau de la paix.
Publié le 27 août 2007 Lecture : 3 minutes.
Ses organisateurs l’avaient voulue spéciale, et elle le fut. L’édition 2007 du Marché des arts et du spectacle africain (Masa) s’est tenue du 28 juillet au 12 août en Côte d’Ivoire, quelque cinq mois après l’accord de sortie de crise conclu, à Ouagadougou, entre le président Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, le chef de l’ex-rébellion. D’où l’omniprésence, cette année, du thème de la paix
Pour accompagner le processus en cours, la manifestation est sortie à la fois du Palais de la culture, où elle a habituellement lieu, et de la ville d’Abidjan. « Après quatre ans d’absence, il fallait aller au-devant du public pour le ramener vers l’événement. D’où le choix de la gratuité, de la proximité et de l’ouverture sur l’intérieur du pays », explique Manda Tchebwa, le directeur artistique. Dans la capitale économique, les festivités ont eu lieu sur trois sites : le Palais de la culture de Treichville, le stade de Koumassi et le complexe sportif de Yopougon. Mais des concerts ont aussi été organisés à Daloa, Man, Korhogo et Bouaké. Quel meilleur symbole de la réunification du pays ?
Cette édition 2007 n’a d’ailleurs pas été à proprement parler un « marché », propice aux contacts entre maisons de production, distributeurs et artistes. Ce sera pour la prochaine fois. En revanche, elle s’est ouverte, à Yamoussoukro, par un colloque réunissant une bonne quarantaine d’universitaires, de membres de la société civile et de représentants des partis politiques qui ont planché sur le concept de démocratie et tenté de cerner les causes de la crise ivoirienne à la lumière (notamment) d’autres conflits africains du même genre. Voilà pour le volet « intello ».
Côté spectacles, c’est la musique qui s’est taillé la part du lion, grâce à la présence d’une quarantaine de groupes, face à un public plutôt jeune et plein d’énergie. Moyenne d’âge : 18 ans. La participation des plus célèbres DJ des nuits abidjanaises (DJ Lewis et autres) y a naturellement contribué. Celle des humoristes comme Adama Dahico, alias « le président », aussi.
Si le public abidjanais a réservé aux stars locales – d’Aïcha Koné à Oren’Tchi, en passant par Serge Kassy, Garba 50, Soum Bill, Reine Pélagie ou Garagistes -, l’accueil qu’on imagine, il n’a nullement boudé les artistes étrangers. Les groupes Lokas (RD Congo), Lang’i (Congo), Macase (Cameroun) et Ndai Ndai (Centrafrique) ont été particulièrement applaudis. De même que la révélation de ce Masa 2007, les talentueux Nigériens de Sôgha, un groupe de musique traditionnelle. Le Bénin était, pour sa part, (bien) représenté par Zem et Teriba, le Burkina par le groupe de rap Yeleen et la Guinée par Bembeya Jazz, qui paraît résister au temps et plaît à tous les âges. Chez les anglophones, la prestation de la Kényane Suzanna Owiyo (afro-roots), les percussions de l’orchestre ghanéen Koo-Nimo et la puissance vocale du groupe sud-africain Gaabo Motho ont été remarquées.
Côté danse, l’autre révélation de ce Masa 2007 a été le groupe mozambicain Culturarte, qui, avec Ma Falala, a présenté un beau travail gestuel rythmé par la musique d’un saxophoniste de talent. Le théâtre était présent avec huit pièces. D’Utafika théâtre (RDC) à Agbo N’koko (Bénin), en passant par la Compagnie Ekedoua (Côte d’Ivoire), le Théâtre de l’imaginaire (Congo) et les Sardines de Conakry (Guinée), la plupart des troupes trouvent leur inspiration dans un quotidien, souvent, hélas, sanglant : guerres fratricides, dictatures, relation bourreau-victime, etc.
S’il aime s’amuser et danser, le public ivoirien a pour sa part démontré qu’il aspirait plus que tout à retrouver une vie normale. Les hurlements de joie qui, tout au long de ce Masa 2007, ont salué le simple énoncé des mots « paix » et « réconciliation » en témoignent.
