Ça swingue en Tunisie

En groupe ou en solo, inspirés par les genres les plus divers, ils viennent enrichir une scène nationale qui n’avait jamais connu une telle effervescence.

Publié le 27 août 2007 Lecture : 4 minutes.

Un vent nouveau souffle sur la scène musicale tunisienne. Ils sont jeunes, passionnés et bien décidés à imposer leur style. Eux, ce sont les trois frères Gharbi, à l’origine du groupe musical Les Garby’s. Mais ne leur dites surtout pas qu’ils font partie de la nouvelle vague de chanteurs. « On joue de la musique depuis toujours », vous rétorqueraient-ils. Natifs de Bizerte, au nord de la Tunisie, Sami (36 ans), Anis (33 ans) et Lotfi (26 ans) sont tombés dedans quand ils étaient petits. Adolescents, ils étaient fans des Beatles, des Scorpions et du groupe de rock Queen. Aujourd’hui, leur style musical s’apparente à la World Music. Entendez toutes les musiques du monde. L’objectif étant de ne pas se limiter à un seul genre.
« L’important pour nous n’est pas d’être pop ou rock, mais de délivrer un message », explique Sami, l’aîné et le meneur de la bande. Car l’originalité de ce groupe réside bien là : ils sont engagés et le font savoir. Les tourments de la vie, la complexité de l’être humain, les amours impossibles sont leurs thèmes de prédilection. Et s’ils privilégient la musique occidentale, Les Garby’s restent profondément attachés à leur culture arabo-musulmane. Une bonne partie de leur répertoire est teintée de rythmes orientaux. En anglais, en français ou en dialecte tunisien, leurs chansons sont devenues en l’espace de sept ans – leur premier concert date de 2000 – incontournables sur la scène musicale nationale.
Une scène qui a connu beaucoup de bouleversements ces dernières années. On peut situer le début des changements en 1983, date de naissance de la Troupe nationale de musique. Cette initiative avait donné une impulsion significative à la création musicale, permettant l’émergence d’interprètes comme Sonia M’barek, Saber Rebaï ou encore Nawal Ghacham. Par la suite, de nouvelles tendances de métissage et de musiques improvisées ont vu le jour à la fin des années 1990 avec de nombreux compositeurs-interprètes tels que Dhafer Youssef, Anouar Brahem ou encore Fawzi Chekili, le pionnier du jazz en Tunisie.
Un autre courant a fait évoluer le paysage musical. Underground et très engagé, ce nouveau style s’est développé notamment grâce au groupe Neshez, autour de Heykal Guiza et Skander Bouassida. Né en 1998 à Tunis, le collectif Neshez a créé la surprise avec des rythmes empruntés à une palette de cultures musicales très variées comme le reggae, le rock, le ska, mais aussi le malouf. Une autre tendance, plus électronique celle-ci, est représentée depuis 2003 par le groupe Zemeken (contraction de zemen, le temps en arabe, et de meken, le lieu).
Cette effervescence a inspiré de nombreux jeunes groupes comme le duo Samsa, lauréat du premier prix des groupes lors du Festival de la musique tunisienne 2007. Fruit de la rencontre entre deux artistes, Sana Sassi et Skander Guetari, l’univers de Samsa oscille entre la musique orientale et occidentale. Il est question d’amour, de tristesse, de révolte et de courage. Dans un autre registre, le groupe X-Tension s’adresse à la jeunesse tunisienne. Les membres de ce collectif, Balti, Nigro et R2M, revendiquent leur originalité avec un mélange de reggae, de R’n’B et de rap. Leur style – une musique entièrement composée par ordinateur et un son à mi-parcours entre l’occidental et l’oriental – veut ratisser large. Mais pas question de surfer sur la vague des rappeurs violents aux textes agressifs traduisant le mal de vivre de la jeunesse. Le message de X-Tension est résolument positif.
Si la tendance est aujourd’hui clairement aux groupes, certains n’hésitent pas à se démarquer en se lançant seuls dans l’aventure. C’est le cas de la jeune chanteuse Amel Mathlouthi qui, après deux ans passés au sein d’un groupe, décide en 2002 de démarrer sa carrière solo, munie de sa seule voix et de sa guitare. À 25 ans, cette passionnée de musique et de théâtre compte déjà plus d’une quarantaine de concerts à son actif. Et, malgré son jeune âge, Amel a des idées bien arrêtées sur la profession. Précision préventive : « Je n’aime pas les étiquettes, je ne veux pas qu’on m’enferme dans telle ou telle catégorie musicale. »
À 10 ans, Amel écrit sa première chanson. Et, après de nombreux textes rédigés et chantés en anglais, elle composera sa première chanson en tunisien (« Khaief ») en 2004, affirmant que chacun se doit de s’exprimer dans sa langue. Son répertoire est un savant mélange de musique occidentale, celtique et de rock’n roll. Ses idoles s’appellent Joan Baez et Bob Dylan. Amel reste néanmoins une fan du célèbre chanteur tunisien Cheikh al-Afrit et de la cantatrice juive Habiba M’sika. Avec une sensibilité à fleur de peau, la jeune fille chante tout ce qui la révolte, dénonçant d’une voix naturelle et envoûtante les injustices du monde et les contraintes de la société.
Et les artistes ne sont pas les seuls à bouger. Du côté des autorités, on s’active aussi. Une consultation nationale sur la musique débutée en octobre 2006 et achevée à la fin de mars 2007 a permis de faire le point sur les réalisations et les efforts à entreprendre dans les domaines de la collecte du patrimoine musical, de la production, de la diffusion et de la promotion d’une musique innovante et moderne. Objectif : généraliser l’enseignement musical. Alors, en avant la musique !

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