Selon la Cnuced, « toutes les PME ne valent pas d’être aidées »

La Conférence des Nations unies sur le commerce et l’industrie (Cnuced) publie, mardi 20 novembre, un rapport intitulé « L’entrepreneuriat au service de la transformation structurelle : changer de cap », qui remet en cause pas mal d’idées reçues, en invitant les gouvernements à aider les grandes entreprises et pas seulement les PME.

Rolf Traeger, économiste à la Cnuced. © UNCTAD

Rolf Traeger, économiste à la Cnuced. © UNCTAD

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 20 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

L’équation du développement est connue : elle suppose des créations d’emplois – en Afrique, de l’ordre de 20 millions par an – générées par des entreprises privées suffisamment performantes pour bien rémunérer leurs salariés et faire ainsi reculer la pauvreté. Dans ce domaine aussi, les 47 Pays les moins avancés du monde (PMA), dont 32 se trouvent en Afrique subsaharienne, sont en difficulté.

Les PMA se caractérisent par une économie massivement informelle. Le rapport parle de « travail indépendant » et évalue à 70% la part de celui-ci dans l’emploi total. Dans ce contexte, les jeunes entrepreneurs créent leur activité par nécessité, et non par opportunité ou passion. Ils sont 22% en Éthiopie à avoir dû créer leur entreprise (vendeur de rue, petit mécanicien, coiffeur) simplement pour se nourrir, et 47% au Malawi. Leur productivité est faible, tout comme leurs revenus.

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>>> À LIRE – Afrique : les chiffres de l’emploi informel en 2018

Seulement 12% d’entre eux ont fait des études après le secondaire, contre 36% dans les autres pays en développement. Leur capacité d’innovation est limitée. La mortalité de leurs entreprises est élevée. Ils créent peu d’emplois, même quand leurs sociétés parviennent à devenir formelles : 58% d’entre elles emploient moins de 20 salariés. Pas étonnant que les PMA ne pèsent guère que 1% du commerce mondial. Pas étonnant, non plus, qu’ils soient cantonnés au rôle d’exportateurs de matières premières brutes.

Les coupures d’électricité réduisent d’environ trois mois la durée de production et entraînent une perte de CA d’environ 6%

Il faut dire qu’ils cumulent les handicaps. Les banques sont méfiantes à l’égard des entreprises et refusent de leur prêter de quoi s’équiper. La mauvaise qualité de l’énergie freine la production. « En Afrique subsaharienne, les coupures d’électricité réduisent d’environ trois mois la durée de production et entraînent une perte de chiffre d’affaires d’environ 6% », souligne le rapport.

« Les coûts de création d’une entreprise ont dépassé le montant du revenu annuel par habitant dans 7 des 46 PMA pour lesquels des données sont disponibles », affirme la Cnuced, ajoutant que « 32 PMA ont des lois qui interdisent aux femmes d’exercer certaines professions ».

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L’aide doit être un « contrat »

Les propositions de la Cnuced pour remédier à ces carences sont destinées à doter ces pays d’entreprises « dynamiques qui montent en qualité », commente Rolf Traeger, chef des PMA à la Division Afrique de la Cnuced.

« Ces pays doivent avoir une politique publique de développement des entreprises qui doit accompagner celles-ci dans toutes les phases de leur existence, poursuit-il. Mais il leur faut être sélectif et aider en priorité les entreprises porteuses de croissance et d’emplois. Cela veut dire qu’il ne faut pas aider systématiquement toutes les PME, ni toutes les start-up, notamment celles qui sont, en fait, des modes de survie et qui n’ont d’entreprise que le nom. Car il y a une corrélation positive entre la taille de l’entreprise et l’augmentation de la productivité du travail : les grandes entreprises aussi ont besoin d’être soutenues ».

L’État doit dire aux entreprises retenues : nous vous soutenons si vous élaborez de nouveaux produits pour conquérir de nouveaux marchés

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Cela suppose que l’État élabore des critères objectifs de choix et que l’aide ne soit pas un cadeau, mais un contrat. « L’État doit dire aux entreprises retenues : nous vous soutenons si vous élaborez de nouveaux produits pour conquérir de nouveaux marchés et que vous embauchez pour cela de vrais professionnels », conclut Rolf Traeger, qui souhaite que les ONG, les organismes de micro-crédit et les bailleurs multilatéraux participent à cette sélectivité et à ces exigences sans lesquelles la croissance des PMA ne débouchera pas sur un vrai développement.

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