Peut mieux faire

Comparées à celles de ses voisins, les performances économiques de l’empire du Milieu depuis vingt-cinq ans n’ont rien d’extraordinaire.

Publié le 27 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Combien de temps la Chine peut-elle garder le taux de croissance rapide qu’elle a actuellement ? C’est une question évidente, et même banale. Mais la poser donne à penser qu’il y a quelque chose d’extraordinaire dans la croissance économique enregistrée par le colosse asiatique depuis vingt-cinq ans. Pourtant, la seule chose exceptionnelle dans son cas, ce sont ses dimensions. Pour le reste, la Chine se trouve dans la première phase du développement rapide qu’ont connu précédemment le Japon, Taiwan et la Corée du Sud.
Selon les chiffres de l’historien Angus Maddison (à la date de 2004), le Produit intérieur brut (PIB) par habitant à parité de pouvoir d’achat (PPA) de la Chine a progressé de 370 % entre 1978 et 2004, soit au rythme de 6,1 % par an. Mais entre 1960 et 1973, celui du Japon avait augmenté de 460 %, soit un taux de 8,2 %. Entre 1962 et 1990, celui de la Corée du Sud avait progressé de 680 %, au taux de 7,6 %, tandis que celui de Taiwan avait crû de 600 % entre 1958 et 1987, au taux de 7,1 %.
La croissance de la Chine n’a donc rien de spectaculaire comparée aux trajectoires de ses voisins plus petits. Il y a pourtant des raisons de penser que la Chine aurait pu les laisser tous loin derrière.
Premièrement, la rapidité avec laquelle un pays peut progresser est fonction de son retard sur les niveaux de productivité des pays du monde les plus avancés. C’est pourquoi chaque génération a eu tendance à progresser plus vite que la précédente. Quand la remontée de la Chine a commencé, son PIB par habitant à PPA n’était que le vingtième de celui des États-Unis. Aujourd’hui, même après un quart de siècle de croissance rapide, il n’est que le sixième de celui des États-Unis. Le PIB par tête du Japon était le cinquième de celui des États-Unis en 1950, avant même qu’il n’entame son exceptionnelle remontée.
En second lieu, la Chine possède tous les ingrédients d’une croissance rapide, comme le Japon, la Corée du Sud et Taiwan avant elle : une main-d’oeuvre laborieuse bon marché au départ, la capacité de transférer une énorme quantité de travailleurs d’une agriculture à faible productivité à une industrie manufacturière à forte productivité, un environnement extérieur accommodant, la stabilité politique et un gouvernement qui a pris le parti du développement.
Troisièmement, la Chine dispose apparemment d’un taux de croissance extraordinairement élevé alors que le PIB par habitant est bas. Il est aujourd’hui le même que celui de la Corée du Sud en 1982, de Taiwan en 1976 et du Japon en 1961. Ces années-là, les taux d’investissement de la Corée du Sud et de Taiwan étaient pour les deux pays inférieurs à 30 % de leur PIB, contre 32 % pour le Japon. Compte tenu des opportunités dont elle disposait et de son effort d’investissement, la Chine aurait dû connaître une croissance plus rapide. Cet échec relatif s’explique par l’inefficacité de l’investissement.
Au rythme actuel de la croissance économique, il faudrait plus d’un quart de siècle à la Chine pour arriver au niveau du PIB par tête du Japon d’aujourd’hui. Il lui faudrait plus de trente ans pour accéder au rapport de PIB par tête actuel de la Corée du Sud avec les États-Unis. Le retard à combler reste immense.
Il ne faut donc pas considérer que la croissance que connaît la Chine depuis vingt-cinq ans est extraordinaire. Elle n’est pas extraordinaire, mais elle ne sera pas un feu de paille. Les obstacles politiques et sociaux qui restent à surmonter pour que l’empire du Milieu ait une croissance rapide et durable étant importants, les possibilités de combler le retard sont énormes. La Chine n’est qu’à mi-parcours de l’ère de la croissance rapide et du rattrapage.

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