Tunisie : « Ce qu’Ennahdha peut proposer de plus que les autres partis, c’est son identité religieuse »

Accusations envers d’ex-ministres, affirmation du poids d’Ennahdha au sein de l’exécutif, retour à un lexique religieux… Le discours de Rached Ghannouchi, prononcé le 17 novembre à l’Assemblée, a marqué un nouveau cap dans la rhétorique de son parti. Une sortie de route calculée ? Décryptage de Maryam Ben Salem, politologue.

Rached Ghannouchi, le chef du parti Ennahdha, dans son cabinet à Montplaisir, à Tunis, le 7 août 2012. © Ons Abid pour Jeune Afrique

Rached Ghannouchi, le chef du parti Ennahdha, dans son cabinet à Montplaisir, à Tunis, le 7 août 2012. © Ons Abid pour Jeune Afrique

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Publié le 21 novembre 2018 Lecture : 5 minutes.

Le discours de Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, prononcé le samedi 17 novembre lors d’une réunion de son parti à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a fait couler beaucoup d’encre en Tunisie. Le chef du parti y qualifiait certains ministres limogés lors du dernier remaniement de « corrompus et incompétents ». Trois d’entre eux ont déjà annoncé leur intention de porter plainte.

Des accusations qu’il a semblé regretter trois jours plus tard. Le 20 novembre, le chef du parti a en effet présenté des excuses officielles dans un communiqué signé de son nom, et a certifié son estime pour les anciens membres du gouvernement et pour leur service rendu à la Tunisie.

Lors de son allocution annuelle, Rached Ghannouchi évoquait également un regain de pouvoir du parti, devenu selon lui « le parti fondamental » en Tunisie. Il avait notamment réitéré l’attachement inconditionnel du mouvement aux préceptes de l’islam et aux principes de la démocratie islamique. Une déclaration qui en surpris plus d’un, alors que le 10ème congrès d’Ennahdha avait acté une prise de distance avec le lexique religieux.

Maryam Ben Salem, politologue et spécialiste du mouvement d’Ennahdha, décrypte pour Jeune Afrique ce discours qui marque une rupture.

Jeune Afrique : Quel était, selon vous, le but de Rached Ghannouchi en accusant les anciens membres du gouvernement de corruption ?

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Maryam Ben Salem : Très sincèrement, les motivations de cette déclaration restent très obscures. Je ne vois pas pourquoi Rached Ghannouchi s’est aventuré sur ce terrain très épineux. Il s’est d’ailleurs rapidement rétracté à travers le communiqué publié par le parti. La formation y affirme que les propos de Ghannouchi ont été sortis de leur contexte. Une pratique récurrente chez Ennahdha, qui emploie cette même justification dès qu’une déclaration est mal accueillie par la sphère publique.

En affirmant avoir eu son mot à dire lors du remaniement ministériel, que cherchait à prouver le chef d’Ennahdha ?

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Ennahdha a toujours oscillé sur ce point en particulier. Lorsque cela les arrange, ils se proclament uniquement membres du gouvernement et disent ne pas porter la responsabilité de l’échec de l’exécutif, surtout à l’approche des élections. Lorsqu’ils veulent faire une démonstration de force, ils affirment jouer un rôle plus important à ce niveau-là.

Les propos de Rached Ghannouchi étaient adressés à certaines membres d’Ennahdha qui n’acceptent pas la position jugée trop conciliante par rapport à Nidaa Tounes. Certains estiment que le mouvement est trop en retrait et qu’il devrait s’affirmer davantage, notamment en demandant des choses en adéquation avec son poids politique.

>>> À LIRE – Tunisie : plongée au cœur de la nébuleuse Ennahdha

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