La vitrine brisée

Publié le 27 juin 2005 Lecture : 2 minutes.

Guantanamo n’est pas un centre de détention et de torture comme les autres : c’est un showroom, une vitrine de la toute-puissance sans limite et sans contrôle. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’Amérique frappe et punit. Plusieurs pénitenciers ont été ouverts en Afghanistan et en Irak, qui sont autant de lieux de non-droit. La CIA en gère certains, totalement secrets. Ce n’est pas le cas de Guantánamo. Ici, la barbarie s’affiche pour que nul n’en ignore rien.
Mais Guantánamo est aussi un laboratoire. On y mène des expériences in vivo, on teste de nouvelles techniques de torture avant de les dispatcher ailleurs…

Longtemps, le scandale n’a pas ému grand monde. Les États-Unis, blessés, traumatisés par le 11 Septembre, bénéficiaient, il faut bien l’admettre, d’une certaine compréhension. On estimait qu’ils avaient le droit de se défendre, que leur guerre contre le terrorisme était finalement la guerre de tous. Et puis, le principe de la défense légitime s’accompagnait d’accommodements avec la morale, du genre « à la guerre comme à la guerre », ou « on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs ».

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Aujourd’hui, ça ne passe plus. Guantánamo suscite horreur et indignation. Et les explications orwelliennes de l’administration Bush sur le traitement « humain » réservé aux prisonniers ne provoquent qu’un surcroît de rejet. Partout des voix s’élèvent pour dénoncer le scandale. Aux États-Unis mêmes, on relève les dommages infligés à « l’image de l’Amérique ». Plus qu’une erreur, c’est une faute. Et une faute stratégique qui met en péril l’intérêt national. Alors que Porter Gros, le patron de la CIA, reconnaît que l’Irak se révèle être un « laboratoire » pour al-Qaïda, le sénateur démocrate Joseph Biden estime que « Guantánamo est devenu le meilleur outil de propagande pour recruter des terroristes dans le monde ».

C’est toute la question. Censés combattre le terrorisme au pays de Saddam, les apprentis sorciers américains l’ont en réalité créé de toutes pièces et continuent de le nourrir, chaque jour. Ces fameuses armes de destruction massive qu’ils craignaient d’y découvrir, ils les fabriquent eux-mêmes à foison. Elles ne sont ni chimiques ni biologiques, mais bêtement humaines. Elles n’en sont pas moins redoutables, puisqu’il s’agit des kamikazes. Dans l’alchimie des motivations qui jettent dans le djihad les candidats à la mort, la promesse du paradis est à coup sûr un ingrédient important. Mais qui peut soutenir que Guantánamo, ce haut lieu de la barbarie et du cynisme, n’y joue aucun rôle ?

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